Parfois j'ai l'impression que vivre seul ne sert à rien. C'est vrai ; seul, je suis inutile. Seul, sans personne à aider, j'ai rien à faire de ma vie, j'ai aucune fierté, aucune honte. Y'a des gens qui disent être très bien tous seuls. Être ? Mais sans compagnie, sans aucun ami ni ennemi, je ne suis pas, moi. C'est pour ça que j'ai besoin de gens autour de moi, près de moi, loin de moi, me fuyant, cherchant à se rapprocher. C'est pour ça que j'ai besoin d'Ombe. Parce que j'ai envie de savoir ce qu'il y aura après. Avec elle. Rien qu'avec elle.

Sauf qu'elle, elle est mal. Et que je suis trop faible et stupide pour l'aider, ou même la comprendre. Dans un sens, si on est à deux, tout va bien, non ? Eh bien non, pas d'après elle. Elle a des problèmes, et je suis impuissant face à ça. Mais rien que ça me donne envie de continuer, pour l'aider.
Et puis après tout, la vie, sans souffrance, serait inutile, n'est-ce pas. L'amour, sans problème, c'est juste un stupide feuilleton américain qu'on regarde le samedi matin parce que notre vie est encore plus vide et gâchée que celle des héros qu'on voit s'embrasser pendant 20 minutes d'épisode.

Avant, j'étais heureux. Je me satisfaisais d'un rien, j'évitais les ennuis, je me foutais de la souffrance parce que ce mot ne me décrivait en aucune façon. Et après, tout a changé. Je me suis réveillé, j'ai ouvert les yeux, et au début, la lumière m'a fait mal. Et finalement, je me suis habitué.

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C'est comme si je m'étais fait abandonner par Nydissa, je ne la vois plus, elle ne me parle plus, bref, c'est... la merde, oui. Elle fait sa vie de reptile, je fais la mienne de... de... de perdant ? oui, voilà, c'est ça.

Je fais quelques pas sur la rive du lac. Je sais que me transformer serait le remède idéal pour oublier les problèmes que j'ai en ce moment, pour passer à autre chose, simplement sentir le vent frais sous mes ailes écaillées, n'avoir comme simple problème de ne pas voler dans les nuages pour ne pas me perdre... mais après ? Après, quand j'abandonnerai mes ailes et mes crocs pour deux jambes et un visage humain, toutes ces choses me reviendront à l'esprit, de façon plus brutale encore parce que j'aurais passé trois heures à rêver, à penser à autre chose. Et ça, c'est affreux. Oublier pour mieux se souvenir par la suite.

Alors finalement, je marche. C'est tout, je marche, je fixe les galets, l'eau froide, le ciel dégagé, je shoote dans des cailloux, je soupire, frissonne, puis recommence à marcher.

Et là, en repensant à Ombe, un prénom me vient en tête. Amy. Amy Niggel, c'était une Animalik elle aussi. Elle semble être arrivée dans l'internat. Elle, face à Ombe, je ne sais pas qui meurt en premier. Amy, c'est pas quelqu'un de très niais. Elle est franche, c'est ça qui me plaisait chez elle. Maintenant je sais pas. Je sais plus. J'ai juste envie de la revoir, de lui parler, juste pour savoir... comment elle va. Et si elle pense toujours à moi. Et dans un sens, j'espère que non.

Parce que ça compliquerait vraiment les choses.

❝ Hey hey. ❞

Je pourrais prendre un air surpris, me retourner l'air de dire "qui est-ce ?" et sourire en redécouvrant le visage d'Amy qui a hanté mes nuits parce que je pensais tout le temps à elle.
Mais c'est pas ça, la vérité. Donc là, j'ai plus qu'à me retourner en soupirant, avec un air las, et fixer froidement l'ex qui a rencontré Ombe, qui lui a possiblement donné une raison de souffrir un peu plus, et que j'avais presque oubliée.
Ce que je fais.
Sauf qu'en fait, je me souviens de tout. Je me souviens de ses cheveux qui frisent avec l'eau, de son air décontracté, de ses oreilles et de sa queue de raton laveur. Tout ça, je m'en souviens.
Je fais quelques pas vers elle, hésite un instant, puis tends lentement ma main pour qu'elle la serre.

❝ Amy Niggel. Ça faisait longtemps. ❞

Je me souviens de ce ton. Le ton qu'elle prenait avec moi, celui que j'ai pris, et qui n'est que l'ébauche du ton joyeux et chaleureux que j'utilisais avant, quand on sortait ensemble.
Je me souviens aussi de cet après-midi, quand on était sortis du collège et qu'on était allés se promener. Lorsque nous étions rentrés, il faisait déjà nuit. Et à l'époque, j'étais innocent, gentil, naïf, et presque manipulé de tous. Sauf d'Amy.

❝ Comment va de ton côté ? ❞

"Comment va de ton côté" ce que je lui disais à chaque fois qu'on se voyait, même si ce n'était qu'après 5 minutes de séparation. Oui, j'étais bête. Et je le suis toujours, d'ailleurs. Je me sens bête de me souvenir de détails comme ça.
Je regarde sa robe, légèrement surpris. Elle est blanche et mouillée. Je relève rapidement les yeux vers son visage.

❝ Hmm. Nan, oublie le "comment va de ton côté", c'est nul. Tu vas bien ? ❞

On avait pas officiellement rompu me semble-t-il. Mais maintenant qu'elle connaît Ombe, c'est officiel. Je souris malgré moi. Fièrement, je l'avoue. Parce qu'Ombe c'est ma plus grande fierté.

❝ Non mais si je te dis la vérité je vais devoir t'expliquer pourquoi alors je vais te dire oui. Et toi ? ❞

Je fronce les sourcils.

❝ C'est ridicule. ❞

Je garde les yeux fixés sur les siens, jusqu'à ce qu'elle se détourne. Je suis le seul à trouver ça inconfortable qu'on évite votre regard alors que vous essayez de déceler quelque chose de nouveau -ou d'ancien en l'occurrence- dans celui de votre interlocuteur ?
À vrai dire Amy, que tu mettes ta veste ou pas, je m'en fiche, que tu restes en robe blanche mouillée à moitié transparente, je m'en fiche un peu aussi, moi j'ai juste des choses à dire, à expliquer, à débattre.
Je fais quelques pas et la contourne pour lui faire face à nouveau.

❝ Tu t'es jamais dit que... qu'à partir du moment où j'ai commencé à me soucier de toi je pourrais plus totalement me désintéresser de ton état par la suite ? ❞

Cette pause, ce n'est pas une hésitation. C'est simplement une pause que je m'accorde parce que je n'arrive pas à trouver les mots juste tellement ce qu'elle me dit me semble absurde.

❝ Beaucoup de choses ont changé. C'est vrai. Et t'as beau avoir rencontré ma petite copine, l'avoir provoquée un peu peut-être, faite douter ? parce qu'elle a plus l'air très en confiance, t'as beau, pff, j'sais pas, moi, te balader en robe trempée, et... écoute, même si tu tuais des dragonneaux, je continuerai à m'intéresser à toi et à comment tu te sens. ❞

Voilà. Ça, c'est moi. Ça, c'est moi, quand une de mes émotions est poussée à l'extrême, ou presque. Et c'est franchement pitoyable. Mais ce qui est plus pitoyable encore, c'est qu'après deux ans passés ensemble, Amy peut encore penser que je l'ai totalement oubliée. Et c'est faux. C'est faux dans le sens où ça reste une personne importante à mes yeux. En 4e et 3e, quand je nous imaginais séparés, je ne m'imaginais jamais lui balancer des insultes à la figure, lui dire que de toute façon, elle n'avait jamais compté. Parce que ça c'est tout sauf moi. J'ai beau porter des vestes en cuir noir, j'ai beau avoir un regard froid, un air blasé, je n'en reste pas moins soucieux des gens que j'aime.

Même si, je l'avoue, ces dernières phrases n'étaient pas les meilleures pour aborder le sujet d'Ombe. La dernière fois, j'ai pas eu le temps de lui demander ce qu'elle s'était dit avec Amy. Mais cette fois-ci, je laisserai pas partir Amy avec un paquet de clope en bouche et un air détruit, et elle a jamais été comme ça de toute façon.

Et ensuite j'aurais plus qu'à retourner voir Ombe. Quand tout se sera arrangé. Je lui expliquerai la situation, je la rassurerai en lui disant que je suis là pour elle, je la prendrai dans mes bras, je l'embrasserai, et là je retournerai à mes habituelles chimères, m'imaginer elle, moi, des enfants. Une famille. Un avenir.

Mais... oh, zut. Ne faisais-je pas pareil avec Amy ?
Alors maintenant elle a plus qu'à me dire que son raton laveur de compagnie est mort. Parce que ça pourrait être bien pire que ça.

❝ Ha, ne t'inquiètes pas pour Ombe. Même si ça a pas très bien commencé entre nous... On a fini par partager une bière et même blaguer un peu ensemble. Alors normalement y'aura pas de guerre entre nous. ❞


Moi, je ne ris pas. J'ai peur de ce que ça pourrait donner. De la façon dont Ombe pourrait réagir à l'une des paroles d'Amy.


❝ Mais elle a clairement précisé qu'elle se battrait. C'est normal. Elle t'aime tu sais. Plus que tu ne peux l'imaginer. ❞


Je fais un vague geste de la main, comme pour balayer ses paroles et soutiens son regard, mes yeux suivant ses mouvements.


❝ Oh et... Je vais plutôt bien. ❞


Je m'apprête à répondre "tant mieux pour toi, il y a une raison particulière ?" mais évidemment, elle n'a pas pu s'empêcher de préciser :


❝ Surtout depuis que tu es venu me voir, puis d'ajouter : Et toi ? ❞


Ok, d'accord Amy, mais t'étais obligée de le préciser ? Je suis content, ravi même, que tu ailles bien, je suis heureux de voir qu'il reste encore une personne qui m'est chère qui se sente bien en cet instant, ton bonheur fera le mien pour cinq minutes, mais est-ce vraiment, réellement utile que c'est moi qui l'ai causé ?


Et pourquoi, d'ailleurs ? Parce que toi aussi ta vie est triste ces derniers jours et que tu es contente de revoir une personne que tu avais perdue de vue et qui t'étais chère, ou "simplement" parce que je suis la personne qui te fais sourire et qui te rend heureuse ?
Une petite voix me dit que j'aimerais bien que ce soit ce qu'Ombe pense. Mais, peu importe, j'imagine ?


❝ Quant à Ombe... un "normalement" ne me suffit pas. Eh, Amy, tu te souviens ? "Normalement on aura pas à se quitter après la 3e" Normalement. On peut tout dire avec un "normalement". Mais on peut rien faire avec ça. Et j'ai pas envie de continuer avec Ombe en sachant qu'il risque d'y avoir une guerre entre elle et mon ex. ❞


Je soupire et m'avance vers elle. Je vois bien comment elle regarde mes cornes. Je passe une main dans mes cheveux en les ébouriffant un peu plus, comme si ça allait les cacher à ses yeux. Je souris en revoyant ses oreilles de raton laveur et tends une main vers l'une d'elle, en y faisant une mini-pichenette, rien de douloureux, juste pour rire. Je souris légèrement, puis  pose à nouveau mon regard sur son visage en ajoutant plus sérieusement :


❝ Ta dernière phrase. Elle veut dire quoi ? Juste que t'es contente de revoir un vieil ami ? Ou tu es contente comme tu étais contente avant ? Pendant la période 4e-3e ? Je précise rapidement : je vais mal. Tu sais, c'est fantastique, ma petite copine va pas bien, je doute des intentions de mon ex-petite copine... c'est le bordel. Alors fais comme d'habitude : ne fais pas comme les autres, ne me laisses pas de côté en me disant de ne pas me soucier de ça et dis-moi franchement : est-ce que t'as l'intention d'essayer de me voler à Ombe ? ❞
 

Ombe a dit qu'elle se battrait. Et on ne menace pas de se battre sans raison, même pas Nydissa.


Même pas moi.
 

❝ Je vais te dire exactement la même que j'ai expliqué à Ombe : Si j'ai l'occasion d'avoir un moment priviligié avec toi oui j'en profiterais parce que j'arrive pas à m'enlever ton image de ta tête et que je ressent encore quelque chose. ❞


Maintenant, qu'on m'explique. Parce que je comprends rien. Plus rien. Je comprends pas pourquoi c'est celle que j'aime qui me laisse à moitié de côté, en dehors de ses problèmes, de sa vie. Et pourquoi c'est celle que je n'aime pas, que je ne suis pas censé aimé, ou plus en tout cas, qui s'intéresse à moi, qui ne refuserait pas une invitation à un rendez-vous.

Des fois, on comprend des choses, et les pièces du puzzle s'assemblent. Et ça, c'est génial. Sauf que moi, j'ai choisi un putain de 5 000 pièces, que j'ai mis l'une des premières pièces, les autres ont suivi, mais finalement j'ai réalisé que je m'étais trompé, et du coup, tout mon puzzle est ruiné. Et je connais un 5 000 pièces qui va pas tarder à jarter si ça continue comme ça.


❝ Mais je ne battrai pas pour provoquer cette occasion. Tu crois que Ombe je l'ai menacée genre "Lucius il est a moi !" ? Je suis très heureuse de te revoir parce que ça me rends joyeuse de savoir que tu t'inquiète pour moi. ❞


Je hoche doucement la tête. Très bien. Continue comme ça. Même si je ne m'inquiète pas que pour toi. Je m'inquiète aussi pour la personne que j'aime. Et elle s'en fiche. Et je dois passer outre ce "détail". Parce que j'ai beau l'aimer plus que ma misérable vie, c'est inutile de se soucier d'elle si elle ne fait pas d'efforts de son côté. Mais je peux lui pardonner ça. Je crois.


❝ J'ai rencontré un autre mec qui me plait vraiment beaucoup aussi. Mais je ressens toujours de l'amour pour toi. Et je sais que ce n'est pas réciproque. Donc c'est bon tout est clair. ❞


Dieu mer--eh merde. Mais... comment elle fait ? Comment elle fait pour m'aimer ? Amy, je veux pas te faire souffrir. Amy, je veux pas avoir à souffrir en t'aimant à nouveau. Amy, je suis désolé. Désolée que tu aies eu le malheur de tomber amoureuse de moi. Tu mérites mieux. Même une putain de larve en décomposition mérite mieux que moi.


❝ Je sais que tu est heureux avec Ombe. Je ne vais pas lui faire de coup bas, parce que après tout, je l'apprécie. Mais si c'est elle qui me provoque je me laisserais pas faire. ❞


Non. J'essaie de l'être. Je sais pas combien de temps je vais tenir. Mais bordel je vais essayer. Et ça m'étonnerait qu'Ombe provoque Amy. Elle se soucie trop de Matt et trop peu de moi pour prendre le temps de provoquer Amy. Peu importe ce qu'elle en dit, elle n'en dit pas assez, et moi j'en fais mes conclusions.


Je hoche doucement la tête et déglutis. Allez, sois pas faible, Lucius. Allez.


❝ Écoute. Je... je sais pas si j'ai envie de réentendre tout ça. Je veux pas prendre le risque de te faire souffrir. Je veux pas risquer ça. Alors... on se reverra bientôt, j'imagine ? ❞


Je m'avance vers elle, inspire à fond, la regarde fixement quelques secondes, et dépose un baiser sur son front.


❝ On a qu'à se contenter de ne pas s'oublier à nouveau. Et je pense qu'on peut recréer quelque chose de bien qui ne sera pas trop. Pas plus que ce que je peux me permettre. ❞


Je tente vaguement de sourire, puis abandonne.


❝ À bientôt, Amy. Je l'espère. ❞


Je tourne les talons. Juste avant que les larmes ne débordent. J'ai besoin de me laisser aller un peu. C'est pitoyable. C'est moi.


[Désolée de conclure sans trop te demander ton avis, mais là on traîne un peu à répondre (j'ai vu que t'étais plus trop co), donc au pire on en recommencera un autre ? Entre le début du RP et ce post, il s'est passé pleiiin de choses donc faut pas que ça soit trop décalé non plus. Donc bref, on clôt ? :3 ♥]