Brendon se fout un peu de tout. Dans le sens où pour lui, la sécurité, le raisonnement et la réflexion n'ont pas grande importance. Dès qu'il veut faire quelque chose, il le fait, et ce sans réfléchir aux conséquences que ça va avoir. C'est ce qu'il appelle profiter de la vie, la vraie. Réfléchir avant chaque action, chaque parole et chaque geste relève de l'ennui, de l'indécision. Brendon arrive toujours à faire des choix, ce n'est pas chose compliquée pour lui, de toute façon il s'arrange toujours pour choisir l'option qui pourrait être considérée comme la moins bonne. Il aime vivre dangereusement, et dieu sait que pour vivre dangereusement, on n'a pas besoin de sauter d'une falaise tous les deux jours, de risquer sa vie de façon tout sauf discrète. C'est les gens narcissiques en manque d'attention qui font ça. Remarque, il l'est aussi, narcissique et en manque d'attention, sauf que lui il s'arrange pour se faire remarquer sans tomber dans le drama ou dans le trop. Il ne se plaint pas qu'il a eu un dur passé et que chaque jour, chaque nuit, les douleurs de son enfance l'attaquent encore, de par des hallucinations et des cauchemars. C'est juste stupide ça. Il faut savoir en faire assez, sans en faire trop. C'est compliqué, mais quand on a le truc ça paraît tout simple. Pour lui, se faire remarquer, ça consiste à en faire un peu trop sur scène, ne pas vouloir rester dans l'ombre alors que le chanteur fait son cinéma avec ses paroles grandiloquentes sur la scène de ce petit bar miteux, c'est aussi de faire des clins d’œils aux jeunes demoiselles, de leur faire comprendre qu'elles sont intéressantes, et après ça d'aller les voir une fois le concert fini pour leur proposer des petits extras.

Ooh ça Brendon le fait beaucoup, "proposer des petits extras". Des fois on pourrait croire qu'il ne vit que pour draguer, mais c'est logique, quand on réclame de l'attention et de la reconnaissance, on aime bien profiter de son charme en foutant un peu tout le monde dans son lit, et ce sans précautions ni grandes questions. C'est pas non plus quelqu'un de très sain, Romans. Non pas parce qu'il couche à droite à gauche -ça ça paraît même sain, parce que ça aide à rester en forme, le sexe.-, mais à cause des clopes et de la drogue, et tout ça tout ça. À la base, il est juste guitariste, il court un peu à droite à gauche en se proposant pour des "concerts" miteux, pour des chanteurs miteux qui se sont un peu trop pris pour les rois du monde, mais il deale aussi, beaucoup, et faut dire qu'il profite pas mal de ce qu'il échange avec les clients, hmm. Et quand il n'inspire pas avec avidité cette jolie poudre blanche, il tire sur la clope qu'il a dans le bec. Il fume bien plus qu'il ne se drogue, ça c'est certain, et dans un sens c'est tant mieux, malgré que ses poumons ne doivent plus ressembler à grand chose. La plupart de son argent part dans ses paquets, mais il en récupère assez grâce à la drogue pour pouvoir vivre, et continuer dans ces conditions. Il boit, aussi, souvent, en soirées quoi. Il a une petite préférence pour les alcools forts, surtout pour la vodka. Il aimerait bien partir en Russie pour ça, pour tous ces beaux rayons remplis de bouteilles au contenu très appréciable. On le voit souvent se pavaner dans la rue, avec ses lunettes des soleil, sa veste de cuir noir, son petit air de type agacé par la vie, mais quand on l'aborde, on peut voir que c'est pas quelqu'un de vraiment méchant. Il est juste un peu susceptible, mais si on évite de le critiquer sur son apparence -qui compte beaucoup pour lui-, on peut très bien s'entendre avec. Enfin si on n'est pas non plus dérangé par l'odeur de la clope et de l'alcool, hein. Quoique, il s'arrange pour sentir autre chose que ça, il est propre quand-même, hmm.

Puis faut dire qu'il a pas un physique dégueulasse, Brendon. Il est grand, sans pour autant être immense, il n'a pas énormément de muscles mais tout aussi peu de gras. Comme dit, il a souvent la même veste en cuir, les grands manteaux élégants, c'est pas pour lui, tout comme les costumes, les cravates, encore moins les nœuds-papillon. Ça, c'est même pas en rêve. Il est souvent habillé en noir, ou en blanc, il met parfois des couleurs, mais c'est pas ce qui lui va le mieux, finalement. Il a les yeux gris clairs, beaux, enfin qui est laid dans cette ville ? Personne, voilà. Ses cheveux sont noirs, disons, courts, sauf cette petite mèche sur le devant qu'il repousse vers l'arrière avec du gel, bien qu'elle persiste en retombant devant son front. Sur son cou, on peut apercevoir des espèces de filaments blancs, comme de la soie, qui prennent la forme d'une petite toile d'araignée. Le plus épatant, c'est que ça en est une. Incroyable hein. Il n'a jamais essayé de l'arracher, il l'aime bien, et de toute façon c'est impossible, c'est à moitié ancré dans sa peau, c'est trop solide et ça ferait trop mal. Lorsqu'il se transforme, il prend l'apparence d'une grosse tarentule. C'est pas super gracieux, mais c'est mieux qu'un vulgaire chat.
Brendon n'a pas l'apparence d'un type gentil et tout doux, plutôt d'un jeune con qui tague des bêtises sur les murs de la ville et qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Boah, il peut ressembler à ça, il peut être un peu comme ça, mais c'est pas quelqu'un qui abandonnera une femme enceinte en difficulté dans la rue à son triste sort, il est pas si cruel que ça. On connaît ces gens à qui le sourire ne va pas parce que ça leur donne un air stupide, hypocrite ou malveillant, et fort heureusement, ce n'est pas le cas de Brendon. Le sourire lui va tout aussi bien que l'air supérieur, il n'a rien de bien mystérieux, au fond, un garçon un peu moqueur et égoïste sans pour autant être cruel. Il a juste du mal à prendre les choses au sérieux, et il le voit plus comme une qualité que comme un défaut.

Il est anglais, Brendon. Faut dire qu'on dirait pas, puisqu'on voit souvent les anglais comme des gens super distingués qui boivent du thé dès qu'ils peuvent, avec le petit doigt en l'air bien entendu. Et vu que Brendon c'est surtout tabac, drogue et vodka, ça casse un peu tout le cliché.

Il avait deux frères, Brendon, Matthew et Alexander. Ils étaient cinq à la maison, ils pouvaient se payer une vie tranquille, et les parents adoraient leurs trois fils, même si ces derniers ne s'entendaient pas toujours très bien. Il y avait souvent des conflits, des petits conflits ridicules qui se réglaient bien vite, mais en terme général, ils étaient tous trois en compétition parce que chacun voulait faire la fierté de leurs parents, chacun à leur façon. Brendon était le plus âgé, et il ne donnait pas vraiment le bon exemple. Matthew voulait devenir un grand médecin ou on ne sait quoi, quelque chose qui rapporterait autant d'honneur que d'argent, Alexander s'orientait plus vers la politique, parlait de devenir premier ministre, alors que Brendon avait pour ambition de devenir chanteur, d'avoir une grande maison, une grande famille et un grand coffre fort rempli de jolis billets.

Quant à eux, leurs parents ne faisaient pas de discrimination, ils soutenaient chacun de leurs enfants, sans favoritisme, avec les mêmes promesses et les mêmes conditions, ils étaient réalistes et ils tenaient à ce que leurs fils réussissent leur vie sans pour autant se détruire eux-mêmes. Mais entre eux, le respect n'était pas vraiment présent. Il arrivait fréquemment que lors des repas, le soir, ils se mettent à se critiquer entre eux, on crachait à Matthew que ce n'était pas en fouillant à l'intérieur des gens et en déplaçant des trucs dans ou sur leurs corps qu'il pourrait devenir très respectable, on critiquait Alexander en disant qu'il s'y était un peu trop cru et que ce n'était qu'un pauvre garçon narcissique et malheureux, puis tout se retournait contre Brendon, à qui on disait qu'il finirait par tomber dans la drogue, qu'il ne réussirait rien et qu'il était bien plus narcissique et égoïste que n'importe qui sur cette terre. Au final c'était lui qui se faisait le plus insulter, et toutes ces critiques et ces remarques ne faisaient que renforcer sa détermination.

Alors que, quelques années plus tard, chacun commençait ses études, Brendon ne savait pas vraiment quoi faire pour entamer sa carrière, par où commencer. Il fit ses débuts dans des petits bars, il vivait comme il pouvait, c'est-à-dire pas très bien, il serrait les dents pour y arriver, son expression restait crispée alors que ses doigts passaient sur les cordes de sa guitare, il ne chantait quasiment jamais, mais quand il le faisait, il avait beaucoup de succès.

Un jour, après une habituelle et insignifiante représentation, on vint le voir. C'était un type qui avait l'air riche, mauvais, qui n'inspirait pas vraiment confiance à Brendon. Mais ses pressentiments disparurent à la seconde même où il lui proposa de monter sur une vraie scène, avec un groupe qui cherchait un remplaçant, venant de perdre son guitariste. Brendon accepta bien évidemment, et quelques semaines plus tard apparut sur une vraie scène, lors d'un vrai concert, avec plusieurs centaines de fans dans la foule.

Il rencontra ce soir-là un grand succès, les gens commençaient à s'intéresser à lui, et tout ça semblait très bien parti pour durer. Il enchaîna deux-trois concerts, sans vraiment réaliser que la quantité de personnes dans le public n'était pas si incroyable que ça, qu'il s'affolait un peu trop, et pendant que ses frères réussissaient comme ils le voulaient, Brendon estimait que si il voulait, il pouvait louper un concert ou deux, qu'on lui pardonnerait, tout comme on faisait l'effort de pardonner ses absences lors des repas de famille, tout comme il se pardonnait de fumer et de se droguer. Il devenait célèbre, alors il méritait bien ça, non ?

Il prenait la grosse tête, Brendon, il s'affolait un peu trop, il pensait qu'il devait faire attention à ce qu'on ne le reconnaisse pas dans la rue, et les gens de son groupe estimaient qu'il se reposait un peu trop sur ses lauriers. Ils n'attendirent qu'une chose pour le lui faire comprendre. Et cette chose arriva, c'était simplement qu'il loupe un concert de plus pour aller se droguer et se faire des prostituées. Alors, ils demandèrent à le voir, chose qu'il accepta avec son habituel rictus et ses lunettes de soleil. Le jour du rendez-vous, on lui dit qu'il était viré et qu'ils ne voulaient plus le voir jouer sur scène, il protesta, insulta ses ex-collègues, ce qui lui causa quelques bleus et qu'on lui casse ses lunettes. Il rentra alors chez lui, honteux et triste. Cette nuit-là, il brisa beaucoup de choses dans son appartement.

Et le lendemain, il partait, il changeait de ville parce qu'il avait trop honte pour rester dans l'ancienne. Il arriva dans cette ville, celle de l'internat. Il s'y installa, resta quelques temps sans rien faire, puis, après quelques mois, décida de reprendre ses activités. Il avait continué de se droguer jusque là, mais il comprenait bien qu'un jour il lui faudrait faire autre chose, et même si il avait subi un échec cuisant dans le domaine de la musique, il voulait continuer sur cette voie-là. Alors il recommença comme il avait commencé quelques années auparavant, plus modeste cette fois, il se contentait des petits bars, il refusait désormais toutes les grosses offres qu'on lui proposait, de toute façon il n'avait pas cherché à refaire sa vie de façon plus saine, il jouait de la musique et il continuait de se droguer et de se démolir la santé. C'est assez pathétique, mais on s'y fait, et sa propre estime de soi avait déjà remonté depuis bien longtemps, elle était suffisamment haute pour compenser celle des idiots qui pourraient le considérer comme un moins que rien. C'est comme quand tu parles, tu parles, tu parles, tu parles trop fort et tu dis trop de choses, là on te met une gifle en te disant de te taire, mais tu continues quand-même de parler, sauf que là tu chuchotes, tu fais un effort, mais tu continues de faire ce que tu veux, même si tu sais que tu vas finir par gueuler de nouveau.

C'est exactement la même chose. Brendon, même en faisant des efforts, restera toujours Brendon, et un jour il craquera et il repartira dans le "trop". Il va lui falloir du temps pour comprendre que cette vie n'est sûrement pas pour lui, mais c'est pas grave, pour l'instant il la vit en s'arrangeant pour ignorer ce fait.