Je claque la porte de ma chambre derrière moi, balance mon sac dans un coin de la pièce, mes chaussures dans un autre et m'affale sur mon lit telle la grosse loque humaine que je suis devenue. A cause de mon nouveau boulot, je rentre tard, ça m'épuise. Et dire que je dois en plus me lever tôt, tous les matins, pour être au gymnase aux heures libres. Avant, je faisais du sport que très rarement parce que je n'ai jamais trouvé ça utile, avec mon pouvoir. Mais depuis que je me suis fait agressée dans la rue et que Gilbert a du venir sauver ma peau de louve, c'est autre chose. Mon ego a pris un sacré coup. J'ai vraiment pas aimé. Alors j'ai décidé de devenir plus forte. Je n'avais juste pas pensé que ce serait si crevant.. et puis, il y a ce gars, que j'arrête pas de croiser. La première fois, c'était en allant au travail, justement. Il y avait l'air d'avoir des problèmes, j'ai du prendre une décision rapidement et, sur le coup, le plaquer par terre pour l'immobiliser m'a semblé être la meilleure chose à faire. Il avait une sacrée force et même avec mon don, j'ai eu un peu de mal à lui faire une clef de bras. Très belle clef de bras, d'ailleurs. Je pensais que la prochaine fois que je le recroiserais, ce serait à l'internat, vu sa condition d'animalik. Puis je l'ai vu, quelques jours plus tard, prendre son service en même temps que moi. Et encore plus tard, plusieurs fois, dans les couloirs, au self. Partout. C'est simple, je ne serais même pas étonnée si je le croisais demain à la salle de sport.
N'empêche qu'il a l'air de sacrément m'en vouloir. Parce qu'il n'est pas venu me parler. A vrai dire, il ne s'est même pas approché assez près pour que je puisse lui faire mes excuses en personne. Peut-être que c'est ce qu'il attend. Peut-être que la brune qui était avec lui ce jour-là a oublié de lui dire. Enfin, quand même..


Je soupire et me relève péniblement. Dodo. Fatiguée. Mourir. J'attrape mon pyjama et me change paresseusement, en plein milieu de la chambre. Je donne un coup de pied dans les vêtements que je viens de mettre par terre, décidant de les ramasser le lendemain, quand je serais plus d'attaque. J'attache mes cheveux à la va vite, baille et observe le désordre. Mh. Ouais, il faudra vraiment que je range, demain. Je traîne des pieds jusqu'à la salle de bain, où je commence à me laver les dents puis, quand j'ai fini, prépare mon sac de sport. Quand tout est prêt et que mon esprit est, par conséquent, apaisé, je m'étale de nouveau sur mon lit. Où j'en étais, déjà?
Ah, oui. Dodo.


Et c'est ainsi que mon sommeil fut sans rêve et surtout, très bref. Triste vie. Mais tout ça ne suffit pas à m'abattre. Qui sait, peut-être qu'il y aura des gens à la salle, peut-être que l'un d'eux voudra même se battre avec moi. Ou peut-être, tout simplement, qu'il y aura des pains au chocolat au petit dej' à la cafet'. Il en faut peu pour égayer un quotidien et la nourriture est la principale source de bonheur de mes journées. Ainsi que de rembarrer les gens, à l'entrée de la boîte, mais ça, c'est tout autre chose. Et dire qu'avant.. ah, non, pas de pensées négatives, Sly, la journée vient de commencer!


Je file sous la douche, peste contre ma peau mal séchée au moment de rentrer dans mon jean, me regarde dans le miroir cinq secondes mais ne fais rien. Personne n'a besoin d'être parfait quand il fait du sport. Et j'ai la flemme. Je mets mes chaussures, récupère mon sac et claque une nouvelle fois la porte de ma chambre en sortant. Les élèves d'à côté doivent me haïr. Surtout qu'il est encore tôt. Mais c'est pas comme si j'en avais quelque chose à faire, après tout.


Donc j'y vais, hein, pour de vrai, pas question de faire demi-tour. J'entre dans le vestiaire, dépose mon sac sur un banc, enfile ma tenue de sport et m'étire un peu. J'attrape ma bouteille en sortant et referme la porte derrière moi. Je m'arrête juste à la sortie du vestiaire, côté gymnase, coince ma bouteille entre mes jambes et attache mes cheveux. Je regarde autour de moi en étirant mes bras, en faisant légèrement craquer mes clavicules. A chaque fois que je viens ici, je ne sais pas quoi faire.. Aucune activité ne me plaît vraiment, si ce n'est le combat à deux mais jamais personne n'accepte de s'entraîner avec moi, même quand je promets de faire attention. Du coup, je me retrouve souvent à faire n'importe quel exercice, que je rends toujours plus intense avec des poids que j'accroche à mes mollets et à mes bras. Et croyez-moi, c'est très ennuyant.
Je balaye une nouvelle fois la salle du regard en soupirant quand je croise une silhouette vaguement familière. Je plisse les yeux. C'est pas vrai?

Eeh, il est musclé, le beau brun. Enfin, ça je l'avais déjà remarqué le soir de notre rencontre parce que sinon, j'aurais moins galéré à le mettre par terre. Faut dire que l'adrénaline m'a vachement aidée, en amplifiant mon pouvoir. Il faudrait vraiment que je fasse attention à cet aspect de mon don.. bref.
J'entame un mouvement dans sa direction puis m'arrête subitement en fronçant les sourcils. Peut-être qu'il boude encore et qu'il veut pas me voir? J'hausse mentalement les épaules. Tant pis pour lui. Au moins j'aurais fait ce qu'il fallait.
Je me dirige donc vers lui d'un pas décidé. Mais sans aucun plan en tête. Juste m'excuser et m'en aller? Non, je crois qu'on m'a dit une fois que c'était mal poli.. Je suis censée me présenter, m'excuser et..? Il y a autre chose, je crois.. bon, c'est pas grave. Je vais improviser.
Une fois arrivée à sa hauteur, je toussote pour l'interpeller parce que je ne connais pas son prénom. Je ne sais pas si je devrais tendre la main ou faire la bise alors je ne fais ni l'un ni l'autre. C'est ça que je comprend pas, un coup il faut tendre la main, l'autre la joue.. et personne ne sait pourquoi on fait ça. C'est tout de même un drame.

"Hey. J'suis la fille de la dernière fois. A la clef de bras." je dis, sans une once de méchanceté, juste comme une présentation. Puis, j'ajoute avec un petit rire gêné: "J'tenais à m'excuser. Je sais pas si la petite brune t'as fait passé le mot alors je répète."

La vérité c'est que j'aimerais beaucoup qu'il accepte de se battre contre moi mais il voudra peut-être pas retenter l'expérience tout de suite. A vrai dire, je suis à peu près sûre qu'il m'aime pas. Je peux sentir sa rage d'ici. C'est dommage, parce qu'à la base, je voulais juste aider.. peut-être que je me suis mêlée de trucs qui me regardaient pas. D'un autre côté, je me demande comment ça se serait fini si je ne l'avais pas fait.. Oh puis tant pis il peut m'en vouloir pour le restant de ses jours, je ne regrette rien.

Bon, jusque là, je dirais que ça se passe plutôt bien. Et par ça, je veux dire qu'il ne m'a pas encore balancé son poing dans la--eh? T'es sérieux. Pourquoi tu t'en vas? C'est une blague. Je le regarde me tourner le dos en fronçant légèrement les sourcils. Je fais des efforts. Je m'excuse et tout. Et toi, tu..
Ok, calme. Au moins, j'ai rien à me reprocher.. j'ai l'impression que j'essaye plus de me convaincre qu'autre chose.. je me sens toujours coupable. Je pourrais m'excuser encore, peut-être? Même s'il veut clairement pas me parler?
Ouais, je vais faire ça. Que ça plaise ou non. C'est pas parce qu'on m'ignore et qu'on me lance un regard noir pas du tout impressionnant que je vais repartir comme s'il ne s'était rien passé. Et puis, apparemment, je vais être amenée à le croiser souvent au travail ou quoi donc on va recommencer et partir sur des bases neutres. Voilà.

Je fais quelques pas et me plante de nouveau devant lui. Et.. il est plus grand que ce que je pensais. Environ une vingtaine de centimètres de plus que moi. Pas que ce soit un problème. Être plus petite est parfois un avantage et de toute façon, ça ne me fera pas fermer ma gueule. Même si je vais essayer d'être la plus calme possible. Sinon mes excuses passeront moins bien.

"Écoute, je sais pas c'est quoi ton problème et quelque part, je m'en fiche pas mal mais ça m'embête que tu refuses de me parler juste à cause de ce qu'il s'est passé l'autre soir", dis-je, avant d'enchaîner, sans réfléchir, par des stupidités. Ça fait ça quand je laisse mes sentiments parler pour moi, il paraît. C'est plutôt chiant. Surtout quand je sais pas vraiment ce que je ressens. Je dirais un mélange de colère et de culpabilité? Et je sens que cette dernière va l'emporter..

"J'veux dire, d'un point de vue extérieur, t'étais clairement en train de.. arg, c'est quoi l'expression que vous utilisez, déjà? Enfin, j'ai juste cru que vous aviez des ennuis et tu allais clairement faire quelque chose que tu aurais regretté par la suite alors.. Bon, la vérité, c'est que je sais pas vraiment pourquoi j'ai fait ça, j'ai juste voulu aider, je.. D'habitude je saute pas sur les gens, promis. Donc encore désolée. Et, je.. vois pas ce que je pourrais dire de plus? Donc, voilà. Je vais me taire. Et m'en aller, du coup. Ouaip."

Je dis ça sans m'exécuter tout de suite, espérant une quelconque réponse. Ou un insulte, comme ça on serait fixés.

Ah, mais peut-être qu'il est muet? Mh. Non, il a parlé la dernière fois. C'est dingue de dire et de penser n'importe quoi comme ça, vraiment.

" Tu sais pas c'est quoi mon problème? Tu croyais vraiment pouvoir me foutre la tête contre le sol et revenir le lendemain me voir comme s'il ne c'était rien passé? C'est cool que tu sois désolée. Mais j'allais rien faire. A personne. Et t'as juste puisé ton plaisir en me voyant me tortiller par terre. J'aime pas trop l'idée qu'on est pu me voir comme ça. "

Oubliez tout ce que j'ai pu penser, c'est clairement la colère qui va l'emporter. Il croit quoi?! Que c'est mon hobby de faire des clefs de bras à des inconnus? Bine sûr que me battre, j'aime bien ça, c'est vrai, mais je préfère largement le faire dans les règles qu'en cas de situation désespérée. En plus, il n'y a aucun mérite à avoir le dessus sur quelqu'un en l'attaquant par surprise. Alors le mettre par-terre ne m'a procuré aucun plaisir, aucune satisfaction. J'ai juste eu peur qu'il fasse une connerie. Mais maintenant, si ça l'amuse de croire le contraire, tant pis pour lui. J'aurais essayé.
En attendant, il a quand même avoué qu'il avait trouvé ça humiliant et qu'il n'aimait pas être vu dans cette position alors j'en prends bonne note, me promettant de l'utiliser contre lui s'il s'avère, par la suite, être un connard ou je ne sais quelle espèce d'abruti. Et cette fois-ci, oui, j'y prendrais un malin plaisir.

Je le regarde donc de haut en bas d'un œil critique, hausse les épaules et tourne à mon tour les talons en me répétant mentalement que je n'ai rien à me reprocher. Puis, je continue mon entraînement comme  je fais tous les jours depuis un moment, maintenant.

/ELLIPSE DE PLUSIEURS JOURS?/

On se croise. Tout le temps. Et toujours pas un mot d'échangé depuis ce jour. Et je trouve ça horriblement frustrant de voir toujours la même personne sans être capable de parler normalement tout ça parce que monsieur est trop rancunier ou trop fier pour avouer que je l'ai aidé. Une fille a aidé le grand.. je sais même pas son prénom. Du coup, je suis obligée de l'appeler par plein de surnoms débiles. J'ai du tous les faire, de 'grand con' à 'ours brun' en passant par 'mr. muscles', 'grincheux' et 'abdos de béton'. Tous je vous dis.

Je soupire et repose les poids que j'étais en train de soulever puis me tourne vers l'horloge du gymnase, accrochée au mur du fond. Bon. On va arrêter pour aujourd'hui. Je retourne près des bancs pour attraper ma bouteille et me désaltérant tout en regardant autour de moi à la recherche d'ours brun. Disparu. Pourtant, il quitte un peu plus tard, d'habitude. Non que ça m'intéresse. J'éloigne le goulot de mes lèvres et essuie celles-ci du revers de la main avant d'attraper mes affaires et de me diriger vers le vestiaire.
Tout en marchant, je fouille la poche de mon gilet, que j'avais laissé sur le banc avec ma bouteille mais n'y trouve rien alors que j'y range toujours ma clef. Je m'inquiète deux secondes avant de l’apercevoir, juste devant, pendue à la serrure de mon casier. J'ai dû l'oublier. Tant pis, c'est pas comme si j'avais des choses de valeur dedans, de toute façon.
Je la tourne pour déverrouiller la porte et récupère ma serviette, mes gels douches ainsi que mon change. En même temps, j'appuie sur le talons de mes baskets pour les retirer et me détache les cheveux. J'enlève un maximum de vêtements de façon à éviter de les mouiller et me dirige vers les douches.
Sérieusement, aller se laver après une bonne séance de sport, y'a rien de plus relaxant. Et dire que j'ai été privée de ça pendant plusieurs années.. heureusement qu'il y avait toujours les rivières, les cours d'eau, etc.

Parfois je repense à toutes ces petites choses que j'ai raté et ça me rend nostalgique mais je me dis que grâce à ça, je peux vraiment les apprécier maintenant et que a meute était formidable. Elle me manque, parfois. Je fais encore des rêves d'eux. Je suppose que je le passé ne s'efface pas aussi facilement..

Je soupire en ouvrant la porte de la cabine de douche, mes gels douche en main, que je pose au sol avant de balancer ma serviette par dessus le mur pour pouvoir la récupérer plus facilement par la suite. Je tourne le robinet et attend que l'eau chauffe. Je soupire de nouveau mais d'aise, cette fois.
Après un moment, je me penche pour attraper mon shampoing. Je remarque une odeur un peu étrange mais ne me méfie pas et lève la bouteille pour m'en asperger les cheveux. Je remarque assez vite que quelque chose ne va pas. Il est beaucoup trop liquide est étrangement.. visqueux? Je fronce les sourcils et en verse un peu dans ma main pour l'examiner. On dirait.. c'est de l'huile? Je porte mon autre main à mes cheveux. Eww. Je repose la bouteille, dégoûtée et entreprend de rincer mes cheveux tout en réfléchissant. Cette saleté va mettre des heures à partir..
Ça ne peut être que grincheux. Et ça expliquerait pourquoi il est parti plus tôt.. et mes clefs! Je ne les ai sûrement jamais oubliées le vestiaire.
Par contre, à sa place, je serais restée pour pouvoir admirer le résultat. Peut-être qu'il a eu peur.. dans ce cas, il a eu raison de fuir. Ma vengeance sera terrible.

Je passe le reste de ma douche à nettoyer mes cheveux et à penser à un moyen de lui rendre la pareille. J'y dédie toute ma journée, ma soirée, j'y pense jusqu'à m'endormir mais les seules idées qui me viennent sont beaucoup trop méchantes pour juste un peu d'huile.. attendez. D'huile? Un sourire diabolique se peint sur mon visage et je parvins à m'endormir presque aussitôt, pressée de mettre mon plan à exécution.

Le lendemain, je saute hors du lit dès la première sonnerie de réveil. Vengeance, vengeance. Je prépare mon sac, comme d'habitude sauf que j'y ajoute un petit ingrédient supplémentaire. Si tu crois que je vais me laisser faire, monsieur muscles, tu te trompes.

Une fois que je suis prête, je sors de ma chambre, puis du dortoir, pour me rendre une fois de plus au gymnase. Surtout, avoir l'air naturel et attendre patiemment le bon moment. Inutile de tout gâcher dans la précipitation.
Je passe donc ma séance normalement, fais mes exercices exactement comme je l'aurais fait si rien ne s'était passé. J'attends. Il est bientôt l'heure.

Ça y est, il prend ses affaires. J'attends qu'il rentre et suis ses traces. Je me colle à la porte et tend l'oreille. L'eau coule. Parfait. Il faut que je me dépêche. Je cours chercher ce dont j'ai besoin dans on sac et retourne sur les lieux du futur crime, si je puis dire. Je vérifie que l'eau coule toujours et ouvre doucement, tout doucement la porte. J'attends quelques secondes avant d'entrer, histoire d'être sûre. Puis, quand je décide que la voix est libre, je m'approche de ses affaires qu'il a laissé avant de partir à la douche, un peu plus loin dans le vestiaire. Je m'accroupis près de ses chaussures, sors le tube de chantilly de derrière mon dos et entreprend d'en remplir le fond. Juste la pointe du pied, évidemment, pour qu'il ne se doute de rien jusqu'à ce qu'il la mette.
Je me relève quand j'estime que c'est assez et ressors, assez fière de moi. Mission accomplie, sergent Sylnodel! Je retourne dans mon propre vestiaire pour remballer mes affaires et quitter les lieux. Je prendrais une douche dans ma chambre, là, il faut vraiment que je file. Dommage car je donnerais n'importe quoi pour voir sa tête au moment précieux où il sentira un truc étrange dans le fond de sa chaussure.. ahlala.

Peut-être même qu'il voudra se venger à son tour. Mais je ne refuse jamais un bon défi.

Je jubile. Qui aurait cru que la vengeance était si bonne? Je suis tellement pressée d'être à demain matin que j'ai du mal à trouver le sommeil. Je me tourne et me retourne dans mon lit à sa recherche, en vain. Au bout d'un moment à cogiter, je me lève, ouvre la fenêtre de la chambre le plus silencieusement possible - il est vrai que je dois en huiler les gonds depuis maintenant deux semaines mais que j'oublie tout le temps de le faire alors que je ne fais pas grand-chose de mes journées - puis retourne me coucher, espérant que l'air frais m'aide à me sentir mieux et surtout moins.. compressée?

Une heure plus tard, comme je ne parviens toujours pas à m'endormir, je me relève et m'étire en poussant un long soupir qui se transforme en léger grognement comme je me transforme en loup. Je prends un peu d'élan et bondis à travers la fenêtre. Je fais le tour de l'internat et cours jusqu'à la forêt car il n'y a que celle-ci qui soit capable de m'apaiser la nuit.

Cela m'arrive souvent et toujours pour des raisons différentes mais j'en ai pris l'habitude alors cela ne me dérange plus.
Alors je cours, je marche, je saute mais surtout je pense jusqu'à pas d'heure.


Je me réveille lentement, ouvre les yeux pour ne trouver que le ciel au dessus de pas tête. Pas de plafond? Je me redresse à demi et réalise que j'ai repris ma forme humaine pendant mon sommeil mais surtout que je me suis apparemment endormie dans les bois. Très bien. D'accord. Je me lève et regarde autour de moi, scrute le ciel et tente d'estimer l'heure qu'il est, sans grand succès. Je sais juste qu'il faut que je rentre au plus vite si je veux pouvoir profiter de ma séance au gymnase. Et il faut également que je guette une quelconque réaction de la part de mr. muscles à ma petite plaisanterie d'hier. Peut-être que j'apprendrais même enfin son nom, qui sait. Non parce qu'entre le sport et le soir, où je le croise au travail, je le vois souvent et me dire qu'il me hait je trouve ça plutôt pénible. Pas que je cherche particulièrement à me faire apprécier mais.. je ne sais pas, c'est comme s'il y avait une certaine tension entre nous et parfois, je peux sentir son regard sur moi. Et ça me donne l'impression qu'il me maudit. J'aime pas ça.
En même temps, c'est un ours. Depuis que je me suis fait attaquée, petite, tout mon être me pousse à me méfier d'eux. Rien de personnel, cependant. Je n'ai rien de particulier contre abdos de béton. Mis à part le fait qu'il m'igno-non, attendez, je vais pas recommencer, hein. Vous avez compris.

J'atteins enfin ma chambre dans laquelle j'entre - par la fenêtre que j'avais laissée ouverte - me re-transforme, attrape vite-fait une tenue confortable que j'enfile à la vitesse de la lumière, attrape mon sac de sport avant de ressortir par la fenêtre. Oui, parce que c'est plus près du gymnase que de faire le tour, donc.. J'en profite pour regarder brièvement le reflet que me renvoie la vitre et.. mh. Je retire une feuille de mes cheveux, tente de les arranger en vain. Tant pis. C'est une séance de sport pas un défilé. Je frotte le peu de terre qu'il me reste sur la joue et me prend à rêver d'une douche. Pas le temps. Je ferais après le sport. Puis il n'a pas plut dernièrement alors je ne suis pas vraiment crade. Une fois justement, je me suis pris la pluie et je peux vous dire que c'était pas beau à voir.

Je me dirige donc vers le gymnase en trottinant, entre dans le vestiaire pour déposer mon sac puisque du coup, je suis déjà prête et ressors de l'autre côté.

Je fais mine de m'échauffer alors qu'en réalité, je cherche plutôt grincheux du regard. Ah, j'aurais tant aimé voir sa réaction hier.

Trouvé. J'esquisse un petit sourire dans sa direction. C'est à ton tour, mr. muscles. Ce jeu m'amuse beaucoup. Et il me donne une raison de plus pour aller faire du sport. Que demander de plus? Je continue de m'entraîner comme d'habitude tout en réfléchissant aux milles et unes blagues que je pourrais faire ensuite. Mettre du sel dans sa bouteille d'eau. Remplacer le savon par un autre, préalablement vernis. J'ai pas mal d'idées et je voudrais en oublier aucune alors il faudrait sérieusement que je pense à les noter quelque part.

A un moment, alors que je m'apprête à passer à la presse, je le sens passer à côté de moi et me faire un clin d’œil qui me fait sourire. Il n'a plus l'air grincheux qu'il arborait les premiers jours et j'en déduis qu'il me pardonne. Un peu, du moins. Bon, comme il passe par là, j'en profite pour mater plus ou moins discrètement ses fesses. Tant qu'à faire, je vais pas me priver, hein. Ce serait un crime que de ne pas les regarder, vraiment et ceux qui ne les ont jamais vues ne savent pas ce qu'ils ratent. Enfin, bon. Faudrait aussi que je pense à faire travailler les miennes, une fois que j'aurai fini les cuisses. Je m'installe tranquillement à la presse et entame 7 ou 8 séries de 10, en rajoutant 10 kilos entre chaque, le temps de récupérer et de m'y remettre. Je m'arrête cependant à 90 parce que je me lasse assez rapidement. Bon.. J'ai déjà fait les mollets, les bras, les abdos.. Je regarde l'heure à ma montre. Un petit peu pour le dos et les lombaires, alors. Puis j'irais prendre ma douche, histoire de laisser à l'ours brun le temps de faire sa petite blague. Je me dirige vers les plinths pour en entasser deux pas trop loin d'un truc où je pourrais poser mes pieds, genre un banc et entame ma série d'exercices. Je connais plus le nom de celui-ci mais je sais que ça fait bien travailler les lombaires et c'est tout ce que j'ai besoin de savoir. Je mets les mains derrière la tête et c'est parti.

Puis, après quoi? Une quinzaine de minutes? J'arrête. Cela devrait suffire pour aujourd'hui. Après tout, je suis pas non plus ici pour devenir body builder mais pour améliorer mes compétences en corps à corps. Même si je progresserai beaucoup plus vite si quelqu'un acceptait de se battre avec moi. Je devrais demander à l'établissement d'acheter une cage d'mma. On organiserait des tournois. Ce serait génial. Je pourrais me faire un max d'argent.. Je me renseignerai, il y en a peut-être déjà un club en ville.

Je soupire, me redresse et attrape ma bouteille d'eau posée au sol, non loin de moi. C'est l'heure de la douche. Et cette fois, je vérifierai mon shampoing avant de m'en servir, n'est-ce-pas. Je vérifie que grincheux -je continue de l'appeler ainsi même s'il a apparemment arrêter de me faire la tête- soit toujours là. Comme c'est le cas, je me dirige avec sérénité vers les vestiaires où je me déshabille. Je range ma tenue de sport dans mon sac, sors mon change, attrape mon gel douche pour me diriger vers.. la douche, justement. Je tourne le robinet et immédiatement, l'eau chaude se met à couler sur mon corps nu, détendant chacun de mes muscles au passage. Quand je me dis que ceux qui ne font pas de sport ne connaissent pas ce bonheur.. Eh bien, ça me rend triste pour eux. Vraiment. J'ouvre mon shampoing, vérifie qu'il ne contient aucune substance bizarre et entreprend de me laver les cheveux avec. Ils sont très doux et brillants depuis que l'autre a mis de l'huile dessus, je devrais peut-être songer à lui en demander la marque.

Je reste sous la douche le plus longtemps possible. Pas envie d'en sortir. Mais il le faut.. Je prends sur moi pour éteindre l'eau et sors, en attrapant ma serviette au passage, que j'avais fait exprès de laisser près de la porte. Je l'enroule autour de moi, essore mes cheveux avant d'avancer un peu plus dans le vestiaire, au niveau du banc où sont posés mes vêtements de.. oh. Je vois. J'aurai dû m'en douter, après tout. Bon, je suppose que j'ai plus qu'à remettre mes.. C'est pas vrai, il a pris mon sac aussi. Je vais le tuer. Je dois sérieusement sortir comme ça? Avec juste mes sous-vêtements? Je sais même pas où il a pu planquer mon sac. Ce mec, je vous jure. On se connaît même pas encore -enfin, pas tout à fait- qu'il me fait déjà devenir folle. Mais je suppose, que j'ai pas le choix. Je ne peux même pas me contenter de sortir en louve vu qu'il doit sûrement m'attendre dehors pour me narguer. Enfin, à sa place, j'aurai laissé un costume ridicule. Pas des sous-vêtements. Mais ça doit bien l'arranger ainsi. Je vous jure, qu'est-ce-qu'il faut pas faire.. J'enfile donc mes sous-vêtements et j'vais vous dire heureusement qu'ils sont plutôt classes parce que ç'aurait été doublement la honte, sinon. J'enroule tout de même ma serviette mouillée autour de moi, histoire de ne pas être plus dénudée que nécessaire. Je vais sérieusement le tuer. Bon, j'exagère, c'est de bonne guerre. Mais ma vengeance.. ah, ma vengeance, elle va faire très mal.

Je sors donc du vestiaire, la tête haute. J'ai vécu dans la forêt toute ma vie et je n'ai jamais eu de problème de pudeur, de toute façon. On a même dû m'apprendre que cela ne se faisait pas, chez les humains normaux, de se balader à moitié à poil. C'est juste.. un retour aux sources. Voilà. Je balaye le couloir principal du regard mais ne trouve personne. Je ne pense pas qu'il soit dehors, ce serait beaucoup trop mesquin. Non, il ne doit pas avoir quitté le gymnase.. Alors, il ne peut être que dans la salle en elle-même ou le vestiaire des hommes. Je vais vérifier les deux dans cet ordre.. En priant pour que ce soit plus le premier que le deuxième, je n'ai pas vraiment envie d'être seule et à moitié nue dans une pièce étroite avec un type étrange.

J'avais raison. Ah l'enflure. Je resserre ma prise sur ma serviette pour être absolument sûre qu'elle ne tombe pas alors que je suis en train de marcher et me dis que j'aurai dû en prendre une plus grande car je sens qu'elle m'arrive un peu trop près des fesses et un peu trop loin des genoux à mon goût mais il est trop tard pour reculer. Heureusement qu'il m'a laissé mes sous-vêtements, vraiment. Et mes cheveux mouillés qui me dégoulinent à moitié dans le dos. Je me plante devant lui, au milieu de la salle, sans une once de honte et soutiens son regard farouchement. Je ne perdrai pas à ce petit jeu, abdos d'acier.

▬ Et maintenant? J'esquisse un sourire provocateur. Qu'est-ce-que tu attends de moi?

Je tente de faire diversion en lui parlant et en lâchant un peu de lest sur ma serviette pour qu'elle retombe un peu en haut et vienne flatter ma silhouette tout en réfléchissant à comment récupérer mon sac de manière rapide et efficace.