Ne jamais prendre Arthur Reichesberg pour un imbécile. Il est plutôt du genre rancunier. Bavardez dans son cours sans avoir rien fait d'autre de mal, il ne vous lancera qu'un avertissement puis retournera à son étude de document sur le Sacre de Napoléon Ier. Or, osez seulement murmurer un "prête-moi ta colle" à votre voisin après avoir bousculé le professeur sans vous excuser, vous pourrez échopper d'une heure de colle. Le mot "tyrannique" n'est peut-être pas très approprié pour cet homme. Mais c'est tout juste. Il a beaucoup d'orgueil ; néanmoins, il n'est pas du genre à s'énerver pour rien en lançant des insultes à tord ou à travers. Il rumine, mais silencieusement. Il grogne, mais intérieurement. Ne pensez pas que si le lion ne dévoile pas ses crocs, c'est qu'il n'en a pas, au contraire. Il préfère les sortir pour les proies qui en valent la peine. Arthur a un humour très pince-sans-rire, il a toujours trouvé futiles les blagues et les jeux de mots évidents, grossiers. C'est un homme très intelligent, vif, mais malgré ses chevilles gonflées et son air suffisant, il peut lui arriver de se montrer gentil avec certains. Poli, courtois, il l'est de toute manière. Mais il est assez rare de le voir se comporter de manière affectueuse. Et quand c'est le cas, lorsque vous voyez un M. Reichesberg se comporter de façon amicale, vous pouvez être sûr[e] qu'il le sera pendant très longtemps avec vous... enfin, jusqu'à ce que vous le bousculiez à nouveau, et aurez-vous vraiment envie de le faire ? Oh, très bien, alors faites. Mais vous pourriez très bien vous retrouver avec un plateau renversé par terre à la cantine. Tenez, un balais et une serviette, maintenant ramassez ces morceaux de verre brisé. Brisé, comme le cœur de cet homme ? Certainement pas ! D'abord, en a-t-il seulement ? J'imagine, ces rares sourires amicaux ne sortent pas de nulle part. Si vous le blessez, eh bien, tout d'abord, félicitations, vous avez réussi, c'est un exploit ! Facile est de le vexer, plus compliqué l'est de lui faire du mal intérieurement. Et si ça se produit, il ne prendra même plus la peine de vous gâcher la vie. Il ne vous regardera même plus, comme s'il avait peur. C'est triste, n'est-ce pas.
 
Passons à son travail... la matière qu'il enseigne a fait de lui quelqu'un de très cultivé bien entendu, et il a toujours pris soin de l'enseigner de façon compréhensible. Si un seul de ses élèves n'a pas encore compris le dernier chapitre d'histoire, alors il le poursuivra, encore, et encore, jusqu'à ce qu'il soit compris et assimilé par tous. On connaît tous certains professeurs de français qui disent adorer le théâtre, se vantent d'avoir lu le Médecin Volant dix fois, vu Don Juan autant de fois qu'ils en ont perdu le compte, ou bien des professeurs de maths qui jouent au Sudoku dès qu'il en ont l'occasion. Eh bien non. Il hait les romans qui retracent des évènements historiques, la biographie de Voltaire ne l'intéresse pas plus que ça, il se cultive juste assez pour pouvoir apprendre toujours plus de choses à ses élèves. Certains professeurs, ou même, certaines personnes ont beau dire que « le boulot, c’est toute leur vie », il en diffère pour Arthur. Il pense à bien d’autres choses. Sa nature d’Animalik, par exemple. Il lui arrive très régulièrement d’aller faire une escapade en forêt, peut-être pour rechercher la compagnie d’autres loups, ou simplement pour s’évader un peu, être juste le loup. Et lorsque ce n’est pas ça, il prend plaisir à aller nager un peu. Arthur adore la natation. Il n’est pas ce qu’on pourrait qualifier d’excellent, mais il s’améliore, c’est ça l’important, non ? Il ne participe à aucune compétition. Imaginez si il perdait ! Il le prendrait tellement mal…
 
Donc, vous en dites quoi ? On le qualifie de quoi, de vieux snob ? On va dire ça comme ça, allez.
 
 

1m76, 71 kilos, quoi, c'est pas suffisant ? Bon, très bien, alors soit. Faisons de haut en bas, comme ça, tout le monde sera content. On pourrait très bien commencer cette description en disant qu'il a des cheveux merveilleux, soyeux, un visage beau, parfait. On va éviter de dire que c'est le cas, sinon ça va niquer toute ma crédibilité... eh merde. Enfin bref. Des cheveux coupés plus ou moins courts, bouclés, brun foncé, soigneusement coiffés. Ce qui fait tout le charme de M. Reichesberg, ce sont sûrement ses yeux d'un vert émeraude tout ce qu'il y a de plus ravissant. Ses faits et gestes sont souvent accompagnés d'un regard profond, qui vous donne l'impression d'être passé aux Rayons X. Sinon, que dire de plus sans avoir l’air de trop vanter les mérites de cet homme ? Un nez droit, une bouche fine… Dans l’ensemble, son corps est, disons, raisonnablement musclé, ses mains fines, toujours bien soignées, ses poings n’ont absolument jamais servi à frapper quelqu’un. Son pouvoir s’en charge à sa place, bien entendu. Vous l’aurez sûrement compris, ou en tout cas je l’espère, qu’Arthur n’est pas vraiment du genre à porter des joggings. Pas du tout, même. Jeans ? Rarement. Sweats ? Hmm ! Seulement pour la maison. Il fait plutôt attention à son apparence, toujours sur son 31, sans porter de cravate, parce qu’à quoi cela peut-il bien servir d’avoir une sorte de long losange accroché à son cou ? À rien, voilà tout. Lorsqu’il parle, on note un léger accent allemand. Bien entendu, il en parle couramment la langue, mais sa syntaxe demeure parfaite lorsqu’il parle français. Bien entendu. Sous sa forme animale, Arthur est un loup gris de taille moyenne, disons, ce qui implique donc les oreilles et la queue de loup sous sa forme humaine.
 
 
 

Oh. Je suis censée tout raconter. Mais cela vous regarde-t-il réellement ? ...bon. Soit. L'enfance d'Arthur Reichesberg n'a pas été des plus amusantes. Lorsque Toby votre poisson rouge disparaît, que vos parents vous disent qu'il est parti on ne sait où alors qu'il est simplement passé par la chasse d'eau, ça fait mal. Parce que vous vous doutez bien que Toby n'est pas allé nulle part. Eh bien là. C'était ça. Mais ce n'était pas Toby. C'était Maman. Oh, les Reichesberg n'étaient pas détestés de tous. Au contraire, ils étaient très appréciés. Et respectés. Les Reichesberg vivaient à Stuttgart. Non. En réalité non, ce n'étaient pas eu qui habitaient dans la ville, mais la ville qui leur appartenait. Ils avaient tellement d'influence, les Reichesberg. Carl, le père charismatique et qui vouait une grande importance à la famille, Julia, la mère mystérieuse et puissante, Lana, la belle petite fille qui s'intéressait déjà beaucoup aux jeunes hommes de la ville... Et Arthur.


Arthur, le petit dernier de 6 ans qui portait déjà des nœuds papillon, des chaussures de villes, qui avait déjà oublié ce que signifiait "tutoyer", et qui consacrait grande importance aux études.
Arthur, sa queue et ses oreilles de loup qui attendrissaient les gens autour de lui. Peut-être sa nature d'Animalik aurait-elle fait différente impression s'il avait été un Ackermann, un Edelstein... Mais peu importe. C'était un jeune Reichesberg qui détruisait toutes les chaises de la maison lorsqu'on ne lui apportait pas son livre assez vite. Excuse-moi ? Tu as perdu mon exemplaire du Cid ? Mon préféré ? Très bien. Regarde bien ta montre à gousset partir en miettes. Vous l'aurez compris : cette famille était riche, puissante... Et snob. La tolérance ? Hors de question. La générosité ? Hmm, sûrement pas, non. Nous, nous avons un Animalik. Donc taisez-vous. Bien.
 
Deux mois passent, Arthur va bientôt avoir 7 ans, Lana a déjà 14 belles années de passées, Carl est plus apprécié et appréciable que jamais. Et Julia ? Oh ? Elle ? Elle est morte. Eh bien oui. Morte. Pourquoi ? Parce que. Parce que la mort est l'un des caps les plus durs de la vie. Le plus important. Mais comment est-elle donc morte ? D'un cancer ? Non, idiot. Elle ne fumait qu'avec modération. Le sida ? Soyez moins vulgaires je vous prie. La maladie ? Un accident de la route ? Alors quoi ?! Eh bien, à vous d'en décider. Parce que dès qu'Arthur pose la question, c'est souvent une réponse différente. Mais au final, ce qui revient le plus souvent, la seule chose qu'il a finit par entendre, c'est : "Arthur. Ta mère à été assassinée." Oh, jusque là, rien de particulier. Mais attendez un peu. "Mais... ! Père, qui a donc pu faire ça ?" "Les homosexuel, mon fils. Ta mère a été violée puis assassinée."
 
Oh, bien sûr que c'est faux. Sa mère, vous vous souvenez j'imagine, est très mystérieuse. Tellement qu'elle a su garder secrètes ses actions en tant que terroriste. Tout ce qu'elle a fait d'illégal. Jusqu'à ce jour où une balle à traversé sa si jolie boîte crânienne. Mais lorsqu'on est une famille raciste, cliché et homophobe, quoi de plus simple que de remettre la faute sur une minorité de la société ?
Alors voilà. C'est ainsi qu'à grandi Arthur Reichesberg. Sa mère, violée et tuée par des homosexuels. Vous comprendrez donc que depuis ce jour affreux, il a peur. De ce groupe de la société. Non, il ne les hait pas. Il les craint. Il craint de faire partie de ce groupe. Non, non. Aime les femmes. C'est mieux ainsi.
Finalement, Carl est devenu journaliste. Il parcoure les continents soi-disant pour des reportages, mais personne ne le voit jamais à la télé, et ce n'est que pour ne pas le vexer que personne n'avoue être au courant de toutes ses aventures. La nouvelle femme, est jeune, sotte, et ne se doute pas des escapades de son conjoint. Lana, 25 ans, en a marre, et part vivre en Amérique, où elle se marie. Et Arthur ? Eh bien lui prend son envol également. Hautain, une bonne somme d'argent dans la poche, empli de préjugés, de peur, d'un passé confus qui empeste le mensonge... Il s'en va ainsi. Prendre son appartement, poursuivre ses études en tant que professeur. Tout ne va pas pour le mieux. Il y a des hauts et des bas. Mais Arthur a plus tendance à trébucher par terre qu'à planer dans les airs.

Puis, Andréa. Ah. Andréa. Un si joli visage. Une si gentille jeune femme. Prête-moi ta main. Non. Donne-la-moi. Deux ans après leur rencontre, ils se marient. Assez jeunes, oui. Mais tout va bien.

Deux ans s'écoulent. Ça y est, Arthur se prépare à entrer dans la fonction de professeur. Oh, bien sûr, ça ne rapporte pas autant que chirurgien, avocat, mais on peut très bien vivre ainsi. Il a également commencé la natation ! Il se débrouille bien, je vous assure. Seulement la seule chose qui cloche encore, c'est le couple. Andréa commence sérieusement à douter de ses choix. Et elle sait bien ne pas être tombée sur un ange en rencontrant Arthur. Alors, au bout de 25 petits mois, alors que de nouveaux projets voyaient le jour pour Arthur et l'épouse Reichesberg, tout tombe à l'eau. Il n'y a pas de grande dispute, de cérémonie, en fait même pas de petite discussion à table en mangeant des pâtes à la bolognaise. Juste un Wolve désemparé au beau milieu de son salon, fixant sans cesse les endroits de la pièce où, deux jours auparavant, étaient rangées les affaires d'Andréa. Disparues, tout comme elle.
Alors c'est ça ? Tu me fuis ? Eh bien fuis-moi. Je m'en fiche.
Ou pas.
La vie reprend son cours... Et là je l'avoue, ça devient monotone. Quelques années passent, Arthur se remet lentement de cette fuite, en se disant que peut-être avait-il fait quelque chose de mal ? Le racisme ? Hm non, il n'était pas vraiment de ce genre. Tous les préjugés ridicules ? Oui, sûrement. Mais Arthur n'est pas quelqu'un de foncièrement mauvais. Et il n'est jamais trop tard pour changer, non ? Finalement, ce n'est qu'à 23 ans qu'Arthur se met à évoluer, mûrit, enchaînant les postes en tant que remplaçant, mais finalement... l'Allemagne rappelle bien trop de souvenirs. Il décide donc d'emménager en France, peine à en apprendre la langue, mais ce n'est quand-même pas de vulgaires mots qui vaincront le jeune Reichesberg. Alors ? Eh bien alors, il a réussi à apprendre le français, tout simplement. Et ensuite, il s'est pointé. Ici. À l'Internat à Animaliks.
Hmm, une ville, des élèves, un poste libre en tant que professeur d'histoire... C'est vite réglé.
Bon. Maintenant on va voir tout ça