Raah ! Je balançais ma brosse à l'autre bout de ma chambre. J'ai mal au ventre... Pourquoi j'arrive pas à me sortir son sourire de la tête, hein ? Je grognais et tournais mon collier dont le fermoir était descendu avant d'en tripoter le pendentif. On s'est vu beaucoup de fois après la bibliothèque, on est devenus amis, on sortait beaucoup, on faisait les cons. Mais j'ai comme l'impression que ça a changé... Ce n'est plus pareil. Je ne pourrais pas expliquer comment mon ventre papillonne quand je le vois arriver, comment mon cerveau fait un blocage lorsqu'il se met à rire ou simplement à sourire, comment mes yeux se verrouillent sur les siens, comment mes pensées sont toujours attirées par lui. Ça tourne à l’obsession. J'ai l'impression de ne plus rien contrôler et je déteste ça. Je remonte la tête vers le miroir en face de moi. Je soupire et replace correctement mes cheveux sur mes épaules avant de sortir de la pièce.

On a prévu de se rejoindre à la rivière. Je ne sais pas ce qu'on va y faire mais on trouvera bien une connerie ou deux à faire...

Soudain, je me rendis compte que j'étais en train de sourire rien qu'en pensant à lui et cessais immédiatement. Ce qu'il m'énerve ! Je suis sûre qu'avec son contrôle des ondes, il peut aussi contrôler les ondes cérébrales et me bourrer le crâne de visions d'yeux dorés et de sourires dignes d'une pub de dentifrice. Je te déteste Blackmachin. " Ouh, la menteuse, elle est amoureuse. " Taggle, Jek, sérieux, taggle. Mon dieu, mais sa voix fait de l'écho. Je... Jek, je te hais. Mais merde pourquoi cette phrase résonne autant ?

Je secoue la tête comme pour la chasser. De loin et en plissant un peu les yeux, je commence à apercevoir la rivière. D'ailleurs, je vais arrêter de la fixer ainsi parce qu'avec le reflet du soleil, ça me nique un peu beaucoup les yeux, mh. Je me tiens le ventre. Arrête de me faire mal, traître.

Après une bonne demi-douzaine de minutes, j'arrive au courant d'eau. Le soleil ne fait pas refléter que l'eau mais aussi les galets blancs qui en composent le fond... C'est vachement joli. Je souris et m'étire avant de m'asseoir sur un rocher en attendant Alexandre.  

Pis voilà, donc j'lui ai d-AAAAAAAAAH, AUSEKUR. Ah, Alexandre. Ale-... ? oh mon dieu. Je viens de sursauter à mort, là. La hooonte.

NE ME FAIS PLUS JAMAIS CA, ABRUTI.

Mon cœur bat super vite, putain, j'ai eu trop peur. Même si je crois que ce n'est pas qu'à cause de la peur qu'il tambourine ainsi dans ma poitrine. Je flippe trop qu'il l'entende. Ce serait grave, quand même. OH PIS ON S'EN FOU QU'IL L'ENTENDE, MERDE. Depuis quand je me préoccupe de ce genre de détail ? Sly, arrête de faire genre. Alex' n'est pas un détail pour toi. Je hais ce genre de pensée qui s'incruste toute seule, que tu veux trop chasser mais que t'y arrive pas parce que tu sais qu'elle a raison. J'ai pas besoin de toi pour tout gâcher, conscience de merde.

Enfin, bref. Je regarde Alex' un instant avant de me rendre compte que je lui ai même pas dit bonjour, je suis vilaine. Je lui fais donc un beuzou sur la joue pour me faire pardonner - et parce que ça me dérange absolument pas, accessoirement, parce que s'il avait fallu embrasser le cadavre de Charles Hubert IV, ç'aurait été un peu dégueulasse quand même. Enfin bon. C'est après deux ou trois minutes de fixation intense que je me rend compte que ça doit être super gênant pour lui que quelqu'un le regarde comme ça, alors je me mets soudainement à regarder le ciel. C'est juste moi ou quand t'es avec quelqu'un qui te plait, tu perds subitement des neurones ? Comme si ils se disaient un truc genre : " Oh, il est là, on peut partir en congé ! 8D " C'est hyper méga relou, quoi. Bref, le silence devient pesant, il faut que je trouve un sujet de conversation.

T'as bien dormi ? Il fait beau, hein.

Ou comment aligner deux phrases inutiles qui n'ont aucun rapport entre elles, merci pour les applaudissements, public, je t'aime, lov, keur keur. J'me sens si inutile, c'est horrible. Il faut que j'arrive à lui parler, bordel de merde.  

- C'est pas moi qu'ai commencé. -

Dès qu'il m'avait prise dans ses bras, je savais que c'était une mauvaise idée mais de là à ce qu'il me balance comme ça dans l'eau froide... Mes boucles d'oreilles vont rouiller, bordel. Nan, on s'en fou de ça, en fait. J'hésite à lui faire croire que j'me noies pour qu'il vienne et que j'le coule ou sortir et lui faire la misère... Mh-mh. J'expirais rapidement de l'air et me laissais couler. J'atteignis rapidement le fond. Vas-y, l'eau, dis que j'suis grosse, aussi. Je gardais les yeux grands ouverts et regardais le soleil filtrer à travers. Sauf que je me sentais remonter. J'attrapais donc le rocher le plus proche pour me maintenir au fond de la rivière. Sauf qu'il était plus léger que prévu et il me resta dans la main. Prise de panique soudaine, je m'agitais pour en trouver un autre. Mais pourquoi je panique ? Je manque d'air, ma vue se brouille. Je fis de grands gestes pour remonter mais mes vêtements m'attiraient vers le bas. Je fronçais les sourcils et continuais de me débattre. Après de gros efforts, je parvins finalement à la surface. Je repris mon souffle du mieux que je pus et foudroyais Alexandre du regard. JE VAIS TE DÉCHIQUETER AVEC MES ÉCUREUILS, IMBÉCILE. Je sortis de l'eau et m'assis en mode boule, les bras autour de mes jambes, sur la rive. Comment j'me suis loupée, sur ce coup-là, épique. Bon. J'ai froid, bordel. Je frissonne, c'est pas bon. Je passais mes bras sur mes jambes en les frictionnant pour que la chaleur afflue. Mais ça ne suffisait pas, je tremblais comme une feuille. Je tournais la tête dans la direction opposée à Alex'. Je vais le bouder. Ce sera bien fait pour lui. Et ça me laissera le temps de réfléchir à quoi lui dire une fois qu'on se sera réconcilié. Ouais parce que j'peux pas le bouder indéfiniment, il trouvera toujours un moyen de me faire baisser ma garde, il va me raconter deux ou trois conneries, je vais me retenir mais je vais sourire quand même, puis il va faire un truc con genre me chatouiller, et je vais rire et il aura gagné. Pourquoi je suis si faible face à lui, putain ? Je ferme les yeux un long moment. Ça m'énerve. Tout m'énerve. Pourquoi ? Je comprends pas. J'avais jamais ressenti ça. Et si j'lui en parle pas, c'est notre amitié qui va en pâtir. Mais si j'lui en parle et qu'il s'en fou, la même. Oh putain de sa maman, la vie est si compliquée... Je pensais à Tsume qui elle, ne se prenait pas tant la tête pour un garçon. Je l'envie, parfois. Je secouais la tête. Mais c'est pas le moment, là. Et ce con qui sort toujours pas de ma tête. MAIS VIVE MA VIE, QUOI. N'empêche, j'ai bien faillis mourir toute à l'heure. Comme une merde. Nan mais franchement. Tu t'vois, toi, arriver au paradis ou en enfer, bref, ce qui t'attend après la mort et dire que t'es mort en t'auto-noyant sans faire exprès ? Ridicule. ... Comme moi. Je tourne la tête vers Alex', enfin, et le regarde. Je ne le foudroies même pas du regard. Ça va lui faire croire que je suis en colère. Je le fixe juste avec mes yeux vides. Lui faire croire que je m'en fiche, que pour moi, il est plus là, excellent. Je suis désolée de lui infliger ça mais vu l'état dans lequel je suis émotionnellement et physiquement, il l'a bien cherché. Enfin... Nan, Sly, c'est pas le moment de culpabiliser. Il te jettera plus jamais à l'eau comme ça.

Oh Charles-Hubert, que j'suis conne, j'aurais tellement dû sortir comme une furie de l'eau et le déchiqueter en lui gueulant dessus. Ça nous aurait évité pleins d'emmerdes. Il faut que j'arrête de penser, ça tourne à l'absurde. C'est de ma faute si je me suis noyée, c'est tout. Mais ça, j'lui dirais après.  

- C'est pas moi qu'ai commencé. -

Je rigolais. Enfin, intérieurement, du moins. J'aime mes idées, c'est fou, ça. Mais d'abord, il faut jouer. Mode actrice hollywoodienne : on. Je ne lui répondis évidemment pas et me levais, laissant tomber négligemment sa veste au sol, comme si elle ne m'avait jamais touchée et me dirigeais au bord de la rivière. Mais vraiment au bord. J'avais les pieds dans l'eau. Mais je m'en fichais vu que de toute façon, mes chaussures étaient déjà trempées. Je fixais un point invisible, au loin. Normalement, il ne tardera pas à venir vers moi. Et à ce moment là... Lol. Heureusement qu'il a gardé sa veste sèche, hein.  

- C'est pas moi qu'ai commencé. -

Je n'arrive pas à bien me rendre compte de ce que je vais faire, je crois. Mon regard a laissé tombé le vide pour ce plonger dans les yeux d'Alexandre. J'ai la mine grave, le regard sombre et r'air sérieux. Tout mon être semble lui en vouloir. Pourtant, à l'intérieur de moi, je ris aux éclats. S'il savait, le pauvre. D'un coup, je le pousse par les épaules. Je mets toute ma force dans mes bras. Sans l'effet de surprise, j'aurais raté mon coup. Je m'éloigne rapidement de l'eau histoire de ne rien me prendre. Même si c'est complètement stupide étant donné que si moi j'avais été sèche depuis le début, Alex' ne se serait pas retrouvé dans la rivière. ... Bon, peut-être que si mais disons que non - pour que vous ne compreniez plus rien et pour compliquer un peu la chose, voyez-vous. Enfin, bref, je suis pliée en deux de rire et mon mec est trempé dans la rivière tout va bi-... Je veux dire, Alex', hein. Mon mec, pfupfupfu, n'importe quoi. Une voix entre dans ma tête et murmure : " Mais tu voudrais bien, n'est-ce-pas ? " Jek ? Ou... Mon double maléfique qui me veut du mal puisqu'il est maléfique ? Nan, je déconne. Jek - d'après les probabilités qui sont de 99.9% contre 0.1. Je lui intime mentalement de la fermer et continue de rire. Ça défoule, j'aime bien. D'ailleurs, j'pourrais même retourner dans l'eau vu que j'suis déjà mouillée... Genre pour l'arroser. Mais on fera ça après. C'est bien, là.  

“ OH PUTAIN NAN LÂCHE-MOI, ALEX', J'AIME PAS CA, AAAAAAAAAAAAAAAREHIFNREIFR. ” J'sais même pas pourquoi je me fatigue encore à hurler parce que je sais pertinemment qu'il ne me lâchera pas et qu'en plus, je suis déjà trempée. Cependant, je continue. Infatigable. Oui, oui. NAN, ME BALANCE PA-... Oh. OH LE NUL, PUTAIN, LE NUUUUUUUUUL. Je me tords de rire de plus belle. Hilarant la nullité de mon ce mec. Oh bordel. “ AHAHAHAHAHAH, SALE MERDE. ” Je l'éclabousse. “ T'es archi-nul, en vrai. Mais c'est aussi pour ça que j't'aime, hein et... ” Je m'arrête de parler pour me rendre compte de ce que je viens de dire. C'est stupide, je sais, mais je rougis quand même. Raah, quelle conne. “ Bien, j'veux dire. T'es sympa. ”.  

Ben oui, c'est ça. Il insinue quoi, là ? Que je mens ? Je ne mens jamais, moi, voyons. Je me laisse éclabousser, de toute façon, je suis déjà trempée alors une goutte de plus ou de moins, j'ai envie de dire que cela ne va pas changer grand-chose à mon état. Je le regarde plonger en souriant. On dirait un gosse. Il est trop chou. Soudain, je sens un truc m'attraper la jambe. Par pur réflexe, j'hurle et me débat mais c'est trop tard, je suis de nouveau plongée dans l'eau. Il me faut un peu de temps pour comprendre que c'est encore Alex'. Je me sens un peu ridicule, du coup mais tant pis. Je remonte à la surface pour respirer. Oui, parce que quand on est en train de crier et qu'on est brusquement mise dans l'eau, voyez-vous, notre bouche s'emplit alors d'eau puis nos poumons puis si on remonte pas à la surface, on meurt. Or, moi, je n'ai pas envie de mourir ou du moins pas tout de suite et pas comme ça. Donc je remonte. Et je vous emmerde.
Tout ça pour dire qu'une fois de plus, j'ai fini entièrement dans la rivière. Pff. J'vous jure. Il a de la chance qu'il n'y est pas des... Je souris. Ow, Alex-chou, tu vas tellement regretter. Je nage vers la rive et m'y assoit. J'essore mes cheveux mine de rien tout en invoquant un requin dans le lac. Evidemment, je le contrôle donc ça ne risque rien mais je compte bien lui faire si peur qu'il sortira de l'eau en courant. Et il aura même intérêt de s'excuser ou je le fais poursuivre par une horde de grizzlis en colère. Je suis une vraie garce.  

Je meurs de rire pour la millième fois de la journée. Si j'avais pu prendre sa tête en photo, je l'aurais fait sans hésiter. D'un geste de main je renvois mon requin et, quand je me suis à peu près remise, je l'observe faire, souriant sans vraiment m'en rendre compte. “ En fait, les requins ont plus vers les 3 000 dents que vers les 300 000. ” Je me décale un peu et me penche pour être plus près. Pour entendre sa réponse, bien sur. Vous pensiez que c'était pour quoi ? Pour me rapprocher de lui ? Pour sentir presque son souffle sur ma joue, ou peut-être humer son parfum ? N'importe quoi. “ Et avoues que sur ce coup-là, tu l'avais cherché. ” Parce que je n'invoque pas des requins pour rien, moi, môsieur. Oh. Une mèche vient de tomber devant mes yeux. Je la regarde et souffle, comme pour la faire s'envoler. Sérieux, elle vient toujours se la péter, celle-là. Comme mon souffle ne suffit pas à la faire dégagée et que je suis un peu sur mes codes et donc que j'ai la flemme de bouger, je n'y touche pas. Autant lui laisser son heure de gloire, à la p'tite peste du village de mes cheveux.   

Je le regarde jouer avec mes cheveux. Aw, il est si... J'allais dire mignon, beau, attachant, chou, ou plein de trucs du genre mais en fait, je me rends compte que ça ne va pas. Le mot que je cherche doit être... Parfait, sûrement. D'ailleurs, le mec parfait vient de me chopper les poignets et merde, qu'est-ce-qu'il fait. Zut, je ne suis plus en position de force, au secours. Pas grave, c'est Alexchou. Je vais laisser passer. Je ne voudrais pas briser cet instant trop parfait. “ Si tu m'cherches tu vas me trouver ptite blonde. ” Well - Blackwell - this is awkward. Je ne sais pas quoi faire. D'un côté, j'aimerais juste qu'il reste près de moi, juste comme ça, pour l'éternité mais de l'autre... J'ai peur. J'ai mal au ventre. Je sens le feu me monter aux joues. Qu'est-ce-qu'il se passe ? Pourquoi la seule pensée qui me traverse l'esprit et qui me paraît à peu près intelligente ressemble à : " Je veux l'embrasser. " C'est absurde. Et s'il essayait juste de me faire une blague ? De se venger pour le requin ? Non, Alex est trop gentil, il ne jouerait pas avec mes sentiments comme ça... Mais quels sentiments ? Je ne sais même pas ce que je ressens pour lui. Je suis nulle pour ce genre de choses, j'y pige rien. Est-ce-que le fait que mon cœur batte si fort quand il est là signifie que nous sommes meilleures amis et que je tiens énormément à lui ou est-ce-que c'est plus que ça ? Putain, ça m'énerve. Pourquoi il me fait ça. Pourquoi il reste là, à deux centimètres de moi, sans rien faire. Je sens son souffle sur mon visage, la chaleur de ses mains autour de mes poignets. J'ai l'impression que tous mes sens sont en éveil. Et puis merde,à la base je suis quand même venue pour ça, non ? Pour lui en parler - on se dit tout. Savoir si c'était normal. Je ne savais pas bien comment le lui demander mais j'allais quand même le faire, peu importait si je butais sur les mots. Enfin, j'allais le faire. Mais il ne m'en a pas laissé le temps. Il a posé ses lèvres sur les miennes. Et une décharge électrique a parcouru mon corps en partant de là. Ce ne fut qu'à ce moment-là que je compris que j'étais amoureuse. Que tout ce que j'avais toujours ressenti pour lui n'avait toujours été que de l'amour. Du moment où je l'avais croisé au détour d'un rayon de bibliothèque jusque maintenant. Et vu ma manière de penser, il y a de ça quelques secondes, je suis bien contente qu'il ait pris l'initiative de faire ce que je n'aurais pas pu faire moi-même - étant donné que je n'avais même pas été capable de lui parler. Parce qu'au fond, toute la confiance que j'affiche n'est qu'une façade qui sert à cacher le fait que je l'aime comme une dingue et que par conséquent, je suis faible.
Il cesse de m'embrasser et je reste un moment sans bouger, paralysée. Je le fixe un moment sans rien dire. Puis je l'attrape par la nuque pour l'embrasser de nouveau.