J'ouvre les yeux, plus fatigué que jamais. J'ai pas super bien dormis cette nuit, enfait, voir même pas du tout. Non, je n'ai pas peur du noir, c'est juste les vieux démons qui refont surface de temps en temps, et on peut rien y faire. Je reste dans cette position, la joue collée sur mon oreiller pendant une bonne heure, ne sachant pas vraiment quoi faire ni quoi penser. Hier, j'étais au club, j'ai parlé avec un bel homme, on s'entendait vraiment bien, mais on est pas allé plus loin, parce que j'étais trop jeune. Comment les gens se trompent tout le temps sur mon âge, c'est désolant. Je ne suis pas un gosse de douze ans, je vous dis, merde. Va falloir que je me fasses pousser la barbe, c'est ça? Non merci, j'ai pas envie de ressembler à ce bon vieux Hagrid.
Enfin c'est ça, je suis rentré seul, encore une fois. J'ai trébuché sur une roche pendant que je me rendais chez moi, et je suis resté paralysé pendant quelques minutes sur le sol froid, parce que je n'arrivais pas à me relever. C'est ça qui est chiant avec mon pouvoir, c'est que j'ai absolument aucun contrôle dessus vraiment. Je me coupe et bam, je vais tomber sur le sol parce que je peux pas guérir trop de trucs à la fois. Enfin, guérir est un grand mot. Mes jambes ne seront plus jamais comme avant, ça, je le sais depuis longtemps. On me l'a dis, sauf que eux ils pensaient que j'allais être cloué dans une chaise roulante. Eh bien, non. J'aime bien surprendre les gens. Enfin, pas trop, juste un peu pour être capable de piquer leur curiosité, en gros.
Je me lève, m'étire et me dirige tranquillement vers la petite cuisine. Si je force trop le matin après je vais galérer pour le reste de la journée, donc oui. Je me fais un petit bol de céréales, prends quelques bouchées pour ensuite foutre le reste dans la poubelle. Je ne mange pas beaucoup. Ma mère dis que je bouffe comme un oiseau. Enfin, c'est ironique parce que j'en suis un, d'oiseau. C'est pas ma faute, c'est que je bouge tellement pas que du coup je dépense moins qu'eux. C'est pas ma faute.
J'ouvre la télé minable que j'ai été capable de m'acheter avec mon argent, ma mère ayant refusé mainte et mainte fois de m'en procurer une alors qu'ils avaient largement les moyens. Enfin, ils ont toujours dit que ça me dérangeait trop et que j'allais pas étudier assez. Désolée maman, mais la télé, c'est la vie. J'écoute des cartoons pendant une heure. J'aime bien les dessins animés, c'est pas ma faute. Et puis quand j'étais petit et que j'étais à l'hôpital ils avaient même pas la chaîne, je devais donc me taper les nouvelles pendant des heures et des heures. Barbant.
Bon, je fais quoi, moi, aujourd'hui? Bon, j'vais aller faire un tour à la piscine même si je risque de pas me baigner. C'est une occasion d'exhiber mes petits muscles miteux et de pouvoir regarder les hommes. Hmm. Enfin. Tout le monde va voir mes cicatrices, ils vont se faire des idées et tout, mais je m'en fous. J'attrape donc mon petit sac, y met mon maillot de bain, m'habille et sort dehors.
Troubles in my head
Je donne le billet d'argent à la dame qui me couvre d'un regard emplis de pitié. Je ne comprends pas pourquoi, mais je produis toujours cet effet chez les vieilles. Le truc c'est que je fais vraiment pas pitié du tout, là. Enfin, ils m'ont jamais vu dans une chaise roulante, ça, c'est navrant. Je lui fais un sourire charmeur avant de rentrer dans le vestiaire des garçons. Mon regard se penche souvent sur leur derrière, mais ce n'est pas vraiment ma faute. Bon, faut que je me change, aussi, sinon je vais avoir l'air fou habillé dans une piscine. Je me change le plus rapidement possible, je vois les vieux secouer la tête en fixant mes cicatrices. Bordel, vous savez même pas pourquoi elles sont là, ces cicatrices. Alors arrêtez de me juger et arrêtez de montrer vos bourrelets, vous, hein. Je dépose ma serviette sur mes épaules et me dirige vers la sortie, la tête haute.
J'entends les murmures des mères de familles en me voyant. "Le pauvre" ou encore "Pathétique", ça m'énerve. Que tout le monde juge sans même savoir l'histoire de la personne qu'ils jugent. C'est juste dans la race humaine de juger tout ce qui à des pattes et qui respire un peu trop fort à leur goût. Je vais dans un endroit tranquille, les gradins sont vides, je pars m'asseoir là, et regarde les gens rentrer et sortir de la piscine. C'est une activité ennuyante pour d'autre, mais pour moi c'est très relaxant pour l'âme. Je remarque une jeune demoiselle qui sort de la piscine et se dirige vers le gradin où je m trouve. J'esquisse un petit sourire tout en me levant pour aller la voir. Je me sens d'humeur social aujourd'hui. Je remarque qu'elle n'a pas de serviette.
C'est le temps d'agir en gentleman, Blake. Je lance assez fort pour qu'elle m'entende:
Eh! Il vous manque quelque chose, mylady?
Je pointe ma serviette du doigt avant de l'enlever de mes épaules pour la lui tendre. De toute manière, j'en ai pas besoin moi. C'est pour paraître normal que je fais ça.