L'histoire débute un dur mois de décembre. Un homme marche, contre le vent, une main devant lui pour se protéger le visage. Dans son autre bras, un étrange paquet.
Cet homme avançait d'une démarche pressée, regardait chaque maison, à droite comme à gauche, comme s'il cherchait quelque chose.
Il fit halte au bout de la rue et leva les yeux vers l'imposante bâtisse qui se tenait devant lui. Jolie maison, grand jardin, le tout bien entretenu.
" Ici, ce sera parfait. " pensa-t-il.
Il ouvrit silencieusement le portail puis avança jusqu'à la porte d'entrée principale, où il s'accroupit. L'homme déposa le plus délicatement possible le paquet. Il le regardait tendrement, les yeux humides.
" Je suis désolé de ne rien pouvoir faire de plus pour toi.. "
Il se releva, se tourna vers la porte et fit retentir la sonnette.
La gouvernante se dépêcha comme elle put mais lorsqu'elle arriva, l'homme avait disparu. Elle resta une minute, dans l'encadrement de la porte avec l'impression que quelque chose d'étrange s'était produit mais elle ne voyait rien. Elle s'apprêtait à rentrer lorsqu'un gazouillis de bébé la ramena à la réalité. Un poupon, juste à ses pieds, la regardait de ses yeux clairs comme du cristal. Elle le prit dans ses bras, regarda une dernière fois la rue et emmena l'enfant.
Elle le fit voir à son employeur, qui montra un intérêt aussi vif qu'inattendu pour l'enfant. Il plongea son regard sombre dans celui nuageux du bébé. Il décida de le garder. C'était convénient, vous voyez. Il pourrait s'en occuper quand il s’ennuierait. Cependant, il s'en lassa vite et ordonna à sa bonne de l'abandonner devant n'importe quelle maison.
Mais ne pouvant se résoudre à lui faire subir une nouvelle fois l'abandon, elle décida de le garder à son tour. Elle donna un prénom à l'enfant, Grey, à l'image de ses yeux et garda le nom de famille de son maître, pour les papiers.
Pendant plusieurs années, elle l'éleva comme son propre fils, et ce malgré sa moitié animale. Elle le nourrit lorsqu'il avait faim, le consola lorsqu'il était triste. Elle partagea sa joie et ses colères, tout cela dans le plus grand des secrets car elle ne doutait pas que si son maître l'apprenait, il entrerait dans une fureur noire.
Fort heureusement pour eux, le maître de maison était la plupart du temps bien trop alcoolisé pour se rendre compte de ce qui se passait sous son propre toit et la compagnie des putes qu'il se payait à longueur de journée le gardait bien de s'y intéresser.
Mais cette chance ne pouvait pas durer.
Ce fut un jour où l'Homme, car c'est comme ça que la gouvernante l'appelait devant son 'fils', devait partir en voyage d'affaires. Il devait donc quitter sa maison et la laisser aux soins de sa bonne. C'était lors d'occasions comme celles-ci que Grey sortait et bougeait plus librement dans la maison, tout en restant éloigné des fenêtres, pour éviter que des voisins trop curieux ne l'aperçoivent.
Il avait suffit d'un ballon. Un petit ballon jaune, qui s'était échappé des mains de Grey et qui avait dévalé l'escalier pour terminer sa course au pied de celui qu'il avait une fois appelé père. Ce dernier se baissa pour ramasser le ballon sous les yeux du jeune garçon, tétanisé. L'homme n'était plus sensé être dans la maison. Pourquoi était-il là? Il se releva lentement, pendant quelques horribles secondes de torture où Grey se demandait s'il devait bouger ou non.
L'homme posa son regard sur l'enfant et la gouvernante arriva au même moment. Lorsqu'elle comprit ce qu'il se passait, elle ouvrit la bouche pour hurler à Grey de courir mais elle n'en eut tout simplement pas le temps. Le monstre attrapa la femme par la tête et la frappa jusqu'à ce que ses genoux cèdent et même à terre, continua de la battre sous le regard horrifié de l'enfant. L'homme continua de frapper jusqu'à ce que l'odeur de sang imprègne les lieux et que la couleur rouge teigne ses poings. Lorsqu'il eut fini, il se tourna vers Grey qui essaya de s'enfuir mais trébucha. Il avait raté sa chance. L'homme l'attrapa par le col et le traîna à travers toute la maison jusqu'au sous-sol. L'enfant pleurait, couinait à chaque fois qu'il se prenait une marche ou une porte mais le monstre qui le tenait n'en avait que faire. Il le jeta au fond d'une cave sans aucune lumière, froide et dont la puanteur n'avait d'égale que l'humidité.
Tous les jours, un serviteur vint apporter de quoi manger au détenu. Il n'avait le droit que de pain dur et de l'eau croupie qu'il attrapait en un éclair avant de repartir manger dans son coin, comme une bête apeurée.
Plus les jours passaient plus Grey perdait en humanité. Il ne savait pas depuis combien de temps il était là, seul avec ses pensées, dans le noir. Il en devenait à moitié fou, se parlait à lui même. Il faisait souvent des cauchemars où il revoyait la mort de celle qu'il avait toujours considérée comme sa mère, se maudissait chaque jour un peu plus de n'avoir rien pu faire ou simplement d'avoir fait tombé cette balle. Il s'en voulait tellement qu'il se frappait parfois, jusqu'au sang ou juste assez pour créer un hématome. Mais il n'y avait personne pour s'en soucier. La seule chose qu'il haïssait plus que lui-même, c'était cet homme, qui vivait juste au dessus de sa tête, tranquillement, comme si de rien n'était.
Un jour, Grey le tuerait.
Ellipse de 7 ans.
Le premier miracle se produisit un soir, alors que quelqu'un venait d'apporter sa gamelle d'eau à Grey. Ou plutôt, la lui avait jetée au sol. Il mourrait de soif alors il lécha le carrelage jusqu'à être rassasié. Puis, il fixa du regard l'eau qui restait au sol, la seule chose capable de se mouvoir, après lui. Soudain, l'eau se figea. Elle devint progressivement gelée.
Et des questions lui venaient, toutes plus impitoyables les unes que les autres. Est-ce-qu'il le sait? Est-ce pour ça que je suis séquestré ici? Parce que j'ai un don? Si je suis sa chair et ses os, cela se pourrait-il que lui aussi ait un don? Si, à cause de ça, je ne pouvais pas me venger? Il secoua violemment la tête comme pour se laver de toutes ces questions impures. Non. Il le tuerait, coûte que coûte. Et désormais, il avait un atout en sa faveur.
Ellipse de 3 ans.
A force de s'entraîner, Grey finit par contrôler son pouvoir. Il avait désormais 15 ans et se sentait prêt. Dès que l'autre imbécile baisserait sa garde, il l'achèverait.
Soudain, comme pour appuyer sa pensée, deux hommes, vêtus d'un uniforme que Grey n'avait jamais vu vinrent le chercher. Il jubilait intérieurement. Enfin, il allait sortir de cette maudite cave. Enfin, il le tuerait. Mais c'était sans compter sur l'origine de la venue des gardes.
" On a trouvé le monstre, les gars! Attention, il a l'air dangereux! "
Le deuxième se pencha sur le corps meurtri de l'enfant.
" Cette chose, là? Tu plaisantes? Il a l'air sur le point de mourir. On ferait mieux de le laisser pourrir là. " là dessus, il empoigna Grey par le bras, aidé de son autre camarade.
Grey n'en croyait pas ses oreilles. Indéniablement, un enfant était séquestré ici. Et c'était cet enfant qu'ils prenaient pour un monstre. Il allait se réveiller, Grey allait se réveiller.
Il se mis à hurler et à se débattre, à utiliser son pouvoir comme il put mais rien n'y fit. Il n'était pas assez fort.
" Oh, mais on dirait que t'as un pouvoir, en plus de ça! " puis, il s'adressa à un de ses collègues: " Changement de plan, on le met avec les autres. "
" Lâchez-moi! C'est lui, le vrai monstre! Je vais tous vous tuer! "
Ces paroles retentirent dans tout le bâtiment, manquant de le faire s'effondrer. Grey fut emmener de force dans une autre cellule. Et, pour la deuxième fois, on venait d'enfermer un enfant innocent. Grey perdit tout espoir de sortir de là un jour et d'accomplir son objectif.
Ellipse de 2 ans.
La neige tombait dehors, recouvrant tout sur ce qu'elle trouvait sur son passage, elle tintait tout de blanc. Dont le toit d'un vieux bâtiment grisâtre qui avait la réputation d'être mal fréquenté. En effet, il s'agissait d'une prison dans laquelle étaient enfermés les plus horribles des criminels. Ceux qui ne regrettaient pas leurs crimes et qui étaient destinés à la mort. Ou ceux accusés de sorcellerie, ceux qu'on disait être des démons, ceux qui avaient des dons particuliers. Le reste de la planète ne devait pas savoir. Ils devaient penser qu'ils étaient sains et saufs, payer leurs impôts et être de bons citoyens.
Parmi tous ces criminels se trouvait un adolescent. Grey. Il a maintenant 17 ans et a toujours vécu enfermé. Il ne connait ni amour ni bonheur. Juste le bruit des chaines, les hurlements strident du couloir de la mort, la torture et le regard fou des scientifiques lorsqu'ils vous aperçoivent. Cela va faire deux ans qu'il attend de mourir, recroquevillé dans le coin le moins humide de sa cellule avec pour seul vêtement un vieux pantalon usé. Assis, la tête dans les mains, il a arrêté de manger et de boire depuis une semaine. Les gardes ne font plus attention à lui et préfèrent s'occuper à martyriser les nouveaux condamnés. Il pense. Il n'a pas la force de faire quoi que ce soit d'autre. Il ne comprend pas comment il a pu en arriver là. On le traite de monstre sans le connaître juste à cause d'une paire d'oreilles et d'un pouvoir. Ils n'ont aucune excuse pour ce qu'ils lui ont fait subir. Ils le paieront tous.
Un garde vint taper contre les barreaux d'acier avec sa matraque, tirant Grey de ses pensées. Il lui balança deux miches de pain moisi et gronda:
" Avec tout le mal qu'on se donne pour te nourrir, tu pourrais manger, non? P'tite merde. "
Le visage de Grey se fendit d'un sourire à vous glacer le sang. Il se leva et ramassa les bouts de pain, les congela dans sa main, discrètement. Il s'approcha des barreaux avec une vitesse sidérante, attrapa l'homme par le corps et enfonça un des bouts de pain gelés comme s'il s'agissait d'un pieux. Le glaçon, dur comme du métal, transperça les vêtements de la peau du garde, suivit de la main de Grey, que le spectacle ne faisait même pas frémir.
" Tu dois être nouveau ici, mh? Sinon, tu saurais qu'on ne s'approche pas de ces cellules. Il paraît qu'on est dangereux. " Grey enfonce un peu plus le pain glacé dans le ventre de l'homme. " Enfin, ce ne sont juste que des rumeurs.. "
Le malheureux tremblait de tous ses membres et appela à l'aide. Lorsque les renforts arrivèrent, il était déjà trop tard. Leur coéquipier gisait à terre, inerte et froid comme la mort. Grey, lui, avait reprit sa place habituelle, au fond de sa cellule, barbouillé de sang.
Alors, les soldats, affolés décidèrent de venger leur ami. Ils ne réfléchirent pas une seconde et la cage pour empoigner Grey par les bras et le traîner dehors. La souffrance fait faire aux hommes des choses stupides.
Les chaînes glissaient au sol, produisant un bruit métallique atroce et Grey ne bougeait pas, parfaitement calme. C'était son moment. Il l'avait attendu si longtemps qu'il pouvait bien faire durer un peu le plaisir.
Ce n'est donc qu'en entrant dans la sale d'exécution qu'il gela ses entraves et les brisa avant de geler ses propres bras avec lesquels il embrocha tous les gardes présents. La glace se teintait de rouge, son corps était recouvert de sang mais la rage qu'il éprouvait avait été trop longtemps mise sous silence. Quand ce fut finit, il décongela ses bras et se mis à respirer comme pour la première fois de sa vie. Il était libre. Et il avait un objectif. Mais avant de pouvoir espérer l'accomplir, il devait devenir plus fort. Et quand ce jour viendra, il tuera son père.
Ellipse de 2 ans.
Internat Animalik. Cet endroit avait fait de lui un être meilleur. Cependant, ni la rencontre de Lya, ni la naissance de Charlie, ni l'amour qu'il éprouvait pour Simon n'avaient pu lui faire oublier son objectif sanglant. Il avait toujours ses problèmes de violence mais il espérait arriver à se gérer. Devenir quelqu'un de bien pour les gens avec qui il s'était lié. Il a appris qu'il y avait d'autres sentiments que la haine et que les éprouver ne faisait pas forcément de vous une personne faible.